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    Roger Wilfried fit une halte à la supérette sur le chemin du retour. Il se dirigea directement vers les casiers sur sa droite. Ceux qui contenaient les bouteilles d’alcool. Malgré qu’il fréquentait régulièrement le magasin, c’était bien la première fois qu’il s’intéressait au rayon. Il n’avait pas bu une goutte d’alcool depuis .. Au Moins.. dix ans. L’alcool avait été banni de sa vie par le professeur Lambart. Il en avait même fait une priorité et ceci dès ses premiers pas hors de la clinique après l’accident.

    - Ne touchez jamais un verre d’alcool.. Avec votre histoire ce serait comme de la dynamite..

    Il lui avait fait en claquant la langue.

    Puis quand très vite apparurent les vertiges.

    - Rappelez-vous bien ce que je vous ai déjà dit là dessus.. et maintenant avec la Spectoranine .. autant dire un désastre.. Vous allez devoir accepter de vivre dans un état d’équilibre instable, et certainement pour toute votre vie ;.

    Il le fixa gravement.

    - Mais je Serais Toujours là pour vous.. à Vos Côtés.. .

     

     

     

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  • Comment tu vas Roger.. on t'a pas beaucoup vu ces derniers temps.. C'qui se passe ?..

    Roger Wilfried s’approcha du comptoir plus silencieux qu’à l’ordinaire. Presque livide. Il commanda un café à la serveuse et fit une grimace. Il venait de s’observer dans le miroir des étagères.

    - Salut Henri.. Il fit néanmoins à l’adresse du gars qui l’avait apostrophé.

    Celui se rapprocha tandis qu’il remuait son café.

    - T’as la belle vie toi quand même ;.. Il lui fit avec une moue expressive.

    Le chauffeur leva son regard. Devant lui se tenait un pauvre type marqué par la boisson.

    - Je te comprend… Il Lui rétorqua. Avant d’ajouter.

    - Qu’est-ce tu bois ?.. je t’offre un verre.

    Après quoi il s’enferma dans son silence. Henri le remercia d’une tape sur l’épaule avant de s’éloigner. Les habitués rentraient et sortaient avec de brefs regards. Il est pas dans son assiette.. Fit un autre avec qui il avait l’habitude d'échanger quelques mots. Roger Wilfried avait un goût de savon dans la bouche. C’était un des effets secondaires du manque. Depuis trois jours il avait d’un coup et sans réfléchir balancé le contenu du flacon de Spectoranine dans l’évier. Pour être certain de ne pas succomber au malaise. Après un moment d'hésitation il s’approcha de l’entrée. A l’extérieur Henri fumait une cigarette le nez au vent.

    - Tu m’en passerais une.. Lui demanda Wilfried.

    Henry l’observa une brève seconde. Se dépêchant de ressortir le paquet de sa poche.

    -  Bien sûr.. qu’il lui faisait.

    Roger Wilfried s’en empara maladroitement. Il semblait même en ignorer le mode d’emploi. Henri lui alluma en protégeant la flamme du briquet de ses mains. Wilfried avala une bouffée et toussa comme un damné. Ses mains tremblaient.

    - Vas-y doucement.. Lui fit l’homme. C’est toujours pareil la première fois ;.

    - T’es en manque ;. Il lui murmura à voix basse.

    Roger Wilfried blanchit.

    - T’en fais pas.. j’ai connu ça aussi.. avant de me mettre à la bibine.. C’est cette vie de chien qui nous rend cons.. Avant d’ajouter.

    - Si jamais t’as besoin de quelque chose, t’hésites pas à m’en parler.. je connais tout le monde par ici.. les dealers.. les rabatteurs.. Les trafiquants, les Marchand de Flingues.. Tout ce que tu veux.. Dans la cité d’à côté où j’habite ça fait vingt ans. . je suis comme le loup blanc.. alors te casses pas la tête.. hein.. Il y a longtemps qu’on se voit, et t’es un des rares que j’aime bien. Tu dis jamais de mal de personne ;. C’est pas vrai ?..

     

     


     

     

     


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    Roger Wilfried quitta la douche et s’approcha du miroir où il continua de se sécher vigoureusement. Ce corps qui lui faisait face dans l’halo de lumière le fascinait. Il ressentait sa présence d’une manière déraisonnable. Analogue il s’était déjà dit, à un adolescent qui se découvrirait une toute nouvelle harmonie. Puis respirant avec application, il se tourna légèrement et s’observait à nouveau. Il fixa ce qu’il appelait La Pastille.. De la surface d’une grosse pièce de monnaie. Elle formait une tâche sombre sur sa peau claire et parsemée de poils très noirs. Le professeur Lambart ne s’était même pas donné la peine de l’avertir le jour où il lui avait enlevé ce grain de beauté. Un grain noir qui avait toutes les chances de dériver en mélanome lui avait-il affirmé. Seulement la taille de cette pastille nécessita des soins infirmiers de plusieurs mois avant de se résorber. A présent la trace de l’opération lui paraissait incongrue. Comme un sceau sur les carcasses de boucherie. Soudain une idée lui traversa l’esprit. Une image plutôt. Il se revoyait à son tour arracher un bout de peau humaine claire et rosâtre. C’était sur la banquette arrière de la Mercedes.  ..

     

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  • . Aucune trace de Roger Wilfried sur Google contrairement aux Barenheim. . Si ce n'est de vagues et rares homonymes comme il en existe pour tous les noms propres. Par contre pour ce qui était des Jagger.. On en trouvait autant que d’étoiles dans le ciel. Un dixième de la Terre semblait porter ce nom apparemment très banal. Il pensa que si on avait cherché à l'embrouiller l’astuce était excellente. Pour en revenir à lui-même. Il pesait la légèreté de son existence mieux que jamais auparavant. Il n'en connaissait qu’un récit simplifié, celui du docteur Lambard bien sûr. Toujours calme et prévenant, doté d’une qualité unique. Il savait expliquer le présent en oubliant le passé. Toutes les questions y compris les plus cruciales, se révélaient superficielles quand le docteur Lambard se donnait la peine d’y répondre. Il s'emparait d'un cas précis et le plongeait dans des généralités qui en moins de deux allaient le dissoudre. C’était d'une rhétorique implacable. Depuis dix ans il lui accordait des rendez-vous selon un rythme immuable. Toutes les six semaines exactement. Il s'y rendait en métro, son cabinet se situant en plein centre de la capitale. Puis de toute façon il ne possédait pas de véhicule personnel. Il n'avait même jamais pensé en acquérir. Un peu comme si la Mercedes constituait un univers complet en dehors duquel la vie quotidienne comptait peu. Sans doute que cette réalité manquait de relief. Quand à la Mercedes il la retrouvait toujours avec des sentiments complexes qui ne faisaient qu’accentuer sa dépendance. Les craintes qu’elle suscitait chez lui, fut-ce en sourdine, se révélaient fascinantes. Pareil qu’un amoureux sur la corde raide. Obligé de vivre dans l’idée que le monde peut s’arrêter d’une seconde à l’autre. Dans ses périples au volant de la limousine son cerveau lui construisait un monde différent. C’était une drogue ultime qui rendait fade et incolore la vue du ciel naturel. Il ne possédait plus d’avant pas plus que d’après, rien que des fantasmes et des sentiments diffus. Une pensée hypnotique. Donc le professeur Lambard le recevait dans son cabinet qui n’avait rien d’ostentatoire. La clinique privée en bordure de forêt qu’il dirigeait était autrement plus luxueuse. Alors comment allez-vous mon ami.. Il lui faisait systématiquement. Ouvrant lui même la porte du fait qu’il n’y avait pas de vrai secrétariat. Le siège de l’accueil se révélant vide. Puis le docteur Lambart après quelques rapides réflexions destinées à le mettre à l’aise, se saisissait d’une seringue et d’un garrot pour la prise de sang. Sans cesser de discourir y compris sur des sujets apparemment anodins, il lui proposait par la suite un thé et des croissants. Lui même préférant un café. Avant de lui indiquer d’un geste la table d’auscultation. Le chauffeur s’y allongeait tout en répondant sur un même ton évasif. Ah mais je vous trouve une grande forme monsieur Wilfried. Vous m’avez l’air de bien dormir.. ou je me trompe ?.. Il lui prenait le pouls une nouvelle fois, avant d’en arriver à l’électrocardiogramme. Il murmurait quelques phrases toujours sans grande portée comme si tout était parfait. Ne prenant jamais la peine de commenter les résultats de ses diverses manipulations. Puis il le congédiait sur le même mode. Chaleureux et anodin. Seul le rituel de l’échange des flacons assombrissait légèrement le professeur. Le rendait plus grave et l’amenait à s’intéresser à quelques aspects plus intimes de son quotidien. Toujours sous le prétexte de vérifier le confort physique de son patient. Vous vous êtes senti plus tendu ces derniers jours il me semble ,.. ? Faisait-il par exemple. La question amenant des réponses plus ou moins sensées. Peu importe, il embrayait toujours aussi anodin. C’est pas vraiment important, la santé et l’équilibre sont un ensemble.. Je le répète souvent d’ailleurs.. c’est pas vrai ?..Autant d’attrapes mouches sur lesquels il pouvait adroitement rebondir. Peut-être une érection ?;. nocturne du moins, je sais.. au réveil ?.. Il le fixait en se tenant le menton. C’était le seul instant déplaisant de ces visites auquel il ne pouvait échapper. Roger Wilfried était totalement impuissant. Son corps n’avait rien ressenti de sexuel depuis dix ans. Quoique ça ne lui posait aucun problème. Son hygiène de vie s’accommodait fort bien de ce fait. Mais il ne supportait pas d’avoir à s’en expliquer. Seulement le professeur sous ses apparences décontractées, se montrait intraitable. D’une manière ou d’une autre, une question sournoise l’obligeait à répondre. Non.. il y a rien de changé.. c’est toujours pareil vous savez .. ..

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    Dans le monde contemporain il devient possible de croire que tout est à portée de main. Le monde s'ouvrirait d'un simple clic. C’est ce que devait penser Roger Wilfried en découvrant l’existence des Barenheim sur internet. Leurs traces se divisaient en de nombreuses pistes. Ex grands patrons de la sidérurgie et de l’exploitation minière, ils avaient reconvertis la plupart de leurs capitaux dans l’industrie du luxe à partir des années quatre-vingt. Mais si on les retrouvait aussi bien dans les pages de Wikipédia que celles des cours d’histoire, un détail frappait l’observateur. On connaissait très peu de choses sur les membres de la famille. C’était même la marque qu’ils avaient su donner à la dynastie, une discrétion absolue confinant au secret. La famille constituait donc une entité en soi. Si elle détenait les capitaux sous forme d’actions, ses affaires étaient toutes gérées par des administrateurs. Ce qui lui permettait en contrepartie de disposer de sa fortune et des usines comme elle l’entendait. Licenciant et recomposant la holding, revendant sans avoir à se soucier d’attaques personnelles. Ils avaient ainsi délocalisé une grande partie du groupe vers des pays à bas coût de main d’œuvre, sans rencontrer d’opposition sérieuse. Mais en fouillant encore, il comprit que celui qui de loin l’intéressait plus que les autres, ce Joseph Barenheim, l’héritier naturel de la dynastie, encore présent sur un ancien organigramme datant d’une quinzaine d’années, avait disparu depuis de la circulation. Hors ce Barenheim était censé lui ressembler comme deux gouttes d’eau à en croire l’employé de banque. Malheureusement pour lui aussi, il ne put dénicher aucune photo de l’homme. Mais alors qui était Roger Wilfried ?.. ..

     

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