• 1.8

     

    Le KO avait produit un effet inattendu. Quand il retrouva l’usage de la parole sa raison s’était divisée en tranches. Les divers épisodes qui avaient rempli sa vie émettaient des signaux divergents. Les souvenirs ne fonctionnaient plus de concert. Il réalisa soudain que ses souffrances étaient démesurées dans le sens où elles ne concernaient jamais le même individu. C’était tantôt le père trahi par une civilisation dont on avait mystérieusement changé les règles (durant son vivant). Tantôt l’époux d’une femme à l’appétit sexuel éprouvant. Tantôt le prof de philo aux ambitions de jeunesse peu fiables. N’était-il celui qui prétendait alors dominer la nature du réel par la volonté et la connaissance. Qu’en était-il quand ses seules réussites identifiables concernaient une cascade de malentendus entre lui et l’existence. Ses idéologies et ses croyances lui étaient revenues en pleine gueule. Des boomerangs en forme de courts métrages dans lesquels on retrouvait toutes les perversions inventées par l’homme. La religion, le sexe, et la violence. Non pas que ces pulsions soient mauvaises en soi, humaines par principe, mais jetées dans l’outrance, l‘exagération, la gratuité. Le manque total de substrat et de générosité purement humaine. Elles sont nocives et dévorent l’âme et l’esprit, les sens. Les hommes peuvent affronter des dangers terrifiants à condition de pouvoir compter sur le courage que donne la vraie foi. Celle qui réside au fond d’eux-mêmes. Qu’ils ne soient dévorés d’avance par les paroles d’ennemis invisibles. Lui ne dénombrait que ruines, le futur même partait en ruines. Tout se liguait pour rendre glauque l’essence même de l’humanité. Cette compassion réparatrice sans laquelle l’horizon de la mort est impossible à observer. D’affolantes visions à trembler de tous les os. Arrive un moment où on se voit vivre et mourir sans raison. Ce qui de loin est le pire des deux mondes. La vie et la mort. Joachim n’avait pas comme on dit retrouvé l’énergie de se reconstruire une vie. Le balancier entre la vie et la mort dans son cas semblait en suspens. Glissant sur la vague il s’était mis à observer son sort comme un sujet d’étude en laboratoire. ..

     



  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :