• 14 ) L'Origine du malaise

    L’audience a du mal à garder son sérieux ; hésite entre ennui et moquerie. Elle ne comprend pas ce qui a pris à quelques responsables de la sécurité américaine de les réunir pour visionner un film de série B hollywoodien aussi obscur. Un peplum des années cinquante censé se dérouler dans l’ancienne Egypte. Les scènes montrent un décor de temples au milieu du désert. On aperçoit deux pyramides au-delà d’un toit de pierres soutenu par une enfilade de gigantesques colonnes de carton plâtre. Puis l’on devine une procession qui débouchant d’une sorte de couloir entre deux temples se dirige vers la place brûlée de soleil au milieu de laquelle se tient la caméra ; c’est un plan fixe. Le film est colorisé, et les teintes hésitent entre le chaud et le criard. La procession se rapproche assez lentement tandis que monte en puissance une musique, sorte de mélopée mâtinée de cuivres, des sons qui rappellent les symphonies classiques du début de vingtième siècle. Enfin la procession se rapproche et effectue un changement de direction à 45 degrés juste avant d’atteindre la caméra. Arrive le pharaon sur un trône porté par vingt esclaves. Un grand noir marche à ses côtés pour le rafraichir au moyen d’un large éventail de plumes multicolores. Suit un cortège de prêtres les mains jointes, se livrant à des incantations. Puis des porteurs d’offrandes, enfin un groupe de très jeunes filles s’avançant deux par deux. Une longue colonne de soldats en armes ferme la marche. Le cortège se dirige vers un édifice inhabituel, une sorte de mausolée surmonté d’un bâti globalement circulaire si ce n’est que sa surface est constituée de plaques anguleuses, sans doute des pierres lisses et recouvertes d’or. L’ensemble constituant un édifice original et distinct parmi toutes les constructions alentours. Les images défilent sur un rythme précis, comme si un mécanisme d’horloge animait les personnages. Et en changeant de cap à quelques mètres de la caméra en plan fixe, la chorégraphie stylisée devient encore plus prenante. Les pas réguliers des marcheurs offrant la curieuse impression d’une longue succession de plans fixes. A présent on aperçoit le début du cortège se dirigeant droit vers le mausolée surmonté de sa calotte anguleuse, un peu semblable à une gemme grossièrement taillée. Et alors que les prêtres deux par deux s’apprêtent à pénétrer dans l’ombre du bâtiment de pierre, d’un mouvement de la main le général Spatt stoppe le film. D’un regard circulaire il observe l’audience, passant de l’un à l’autre, avec un sourire moqueur. Comme si une bonne blague allait lui sauter des lèvres. Pourtant son regard semble figer chacun sur son siège. Cette curieuse fin d’après-midi sur une base militaire de l’Arizona a pour effet de perturber les esprits. Sans que nul parmi les invités ne puisse définir l’origine du malaise. ..

     

    .


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :