Ah, signora, che bella adesso.. la madonna ci vede.. ci da la grazia… ainsi s’exclamait à demi voix le prêtre. La petite chose d’abord se retourne péniblement et son sourire empli de bave est si parfait qu’il en parait démoniaque. Alberto lit sur ses lèvres une supplique qui ne s’adresse plus aux humains. A de nombreuses reprises il a constaté le résultat d’une communion au même endroit. Face à Massabielle, moins de dix mètres. Or il est persuadé qu’il n’y a rien de systématique. Chacun vient ici avec quelque chose enfoui en soi et qui semble programmé d’avance. Oui c’est ça.. il fit entre ses dents. Bordel.. il marmonna à la suite. Qu’est-ce qui m’arrive.. aucun humour aujourd’hui.. je suis en train d’étouffer.. c’est pas possible.. celle-ci maintenant qui s’y met et dans deux minutes elle va filer au paradis.. Parce qu’entretemps la petite chose s’était mise à trembler, traversée d’une émotion difficile à contenir dans un si petit corps. Il lui fallut se ressaisir et s’accrocher au brancard de toile avant que des images violemment érotiques ne viennent le secouer. Une technique mentale qui lui était venue des années plus tôt lors de ses prises de Lsd. Son cerveau produisait rapidement un puissant contrefeu à l’abri duquel il tentait de reprendre le contrôle. Il se retrouvait dans le creux de la nuit avec la jeune bénévole, l’écoutant qui priait la vierge cuisses écartées. Aussitôt tout devint flottant alors que sa foi profonde en la divinité brûlait au milieu des fantasmes, et ce ne fut qu’un seul corpus, une chute consciente au milieu d’un champ où poussent des âmes. Il les voyait s’ouvrir tels des coquelicots, saigner d’un liquide blanc que l’occident appelle héroïne ou Lsd, les indiens peyotl, etc le monde altéré devint signifiant. Brusquement il se pencha vers la petite chose, et non pas cette fois pour la consoler de tout son talent, mais pour la sentir vivre et saisir avec elle une preuve solide de la continuation des évènements. Seulement à peine il tente de lui parler qu’elle est prise de convulsions, des soubresauts secs et rapides comme des décharges. Signora.. signora Castrelli.. il supplie tandis que de la mousse s’écoule des lèvres bleues et tordues. Une crise cardiaque vient de l’emporter. Il tente de crier en vain, quand un vent de lumières surgissant de la colline de pierres balaye la place, emportant tout signe de vie telle qu’elle existait quelques secondes auparavant. Chaque pèlerin se transforme en une bulle blanche, de la forme d’une tulipe qui se renfermerait, et les centaines de fleurs emprisonnent les formes complètes y compris celles des infirmes dans leurs brancards. Les flèches de couleurs où prédomine le violet, rasent le sol et les tulipes géantes, puis s’engouffrent au loin dans le bazar avant de fuir dans les rues. Alberto se retourne et constate ahuri que lui-même et la petite vieille échappent au phénomène. Il n’en va pas de même pour le reste du groupe ; Daniella, Luciano, Giuseppe,.. tous sont prisonniers des fleurs qui ne sont d’abord que des ombres blanches sans matière. Le monde transformé en désert blanc l’affole au plus haut point. Néanmoins il devina aussi que sa peur n’avait rien de tangible, aucune menace précise à son encontre, comme si sa vision plus forte parvenait à contenir les forces qui se déchainaient. Il fut submergé par cette certitude, comme transcendant. D’une façon globale et soudaine, il sut qu’il pouvait rester conscient, et contrôler la séquence à condition qu’il ne se disperse pas, qu’il reste concentré sur son propre destin, qu’il ne fusionne pas avec des évènements dont les paramètres ont sans doute été programmés sans tenir compte de ses émotions. Il se retrouve simplement là par hasard.. Pourtant son sort est maintenant lié à la scène et il lui faut l’accepter. Devinant que toute fuite serait dangereuse. Il en devint d’autant plus convaincu quand l’âme de la petite chose émana du corps inerte en flammes blanches et légèrement bleues. Vaguement semblables à celles d’une gazinière au butane. Il leva les yeux enfin vers Massabielle, et il aperçut l’être de lumière. ..

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