• 32 ) Bon Dieu de bon Dieu..

    L’amiral Kaissen se contenta de serrer les dents sans le lâcher du regard. Je vous ordonne de vous ressaisir, et de taper le code.. il en va de la sécurité de tous. Bradson tremblait tandis que l’amiral semblait agir sous l’emprise d’une force inconnue. Il ne répondait pas et son silence avait quelque chose de revanchard. Comme s’il s’appuyait sur une atroce vérité, une issue menaçante. Mais son attitude venait de provoquer un effet inattendu chez le colonel. Au comble de l’excitation et le visage d’un gris huileux, il venait de plonger une main dans son attaché-case de cuir pour en retirer un automatique qu’il pointait aussitôt sur le front de Kaissen. Ca ne suffit donc pas de voir crever son fils pour comprendre .. qu’est-ce qu’il vous faut de plus.. toute l’humanité va payer pour votre lâcheté.. cette folie que je ne comprends pas.. partout dans le monde nos hommes se préparent à combattre et mourir, vous étiez d’accord jusqu’à ce jour.. et vous crachez maintenant sur leur sacrifice .. j’aimerais savoir ce qu’en dirait votre fils s’il découvrait que son père est devenu un traitre.. Mais il avait beau se montrer aussi hargneux et paniqué que possible, face à lui il ne trouvait qu’une statue de marbre tiède. Bradson grogna en vain, l’amiral le fixait de ses yeux lourds et méprisants, à peine serra-t-il les dents. Tout indiquait qu’il attendait la balle en mesure de mettre fin à ses tourments. Quand soudain le colonel au comble de la fureur tourna l’arme vers lui-même, visa sa tempe et fit feu. Un calme saugrenu retomba aussitôt après le fracas du coup de feu. Le corps du militaire avait chuté et se vidait de son sang. Des bouts de cervelle souillaient le sol clair et les rideaux bleus ondoyaient mollement encore, tandis que l’écran du pc affichait des lignes de chiffres verts. Une suite sans fin d’algorithmes et d’équations tombant en cascades et difficiles à suivre pour un oeil peu expérimenté. Le mobilier en matière synthétique était vieillot et un rien poussiéreux, il convenait mal à un lieu connecté avec une technologie terrifiante, la plus avancée du monde occidental. Alan Kaissen observa la scène comme si elle ne le concernait plus vraiment, ce qui pouvait se concevoir puisqu’il évaluait à quelques heures à peine son répit d’homme libre et vivant. Il sortit du mobil-home pour voir le désert où un coyote se détachait au sommet de la colline. Lui rappelant que le soir tombait sur une vallée à l’écart de toutes habitations. La route passait à trois kilomètres et seul un chemin de terre la reliait au camp de fortune. Mais la chaleur s’amplifiait étrangement alors qu’il suivait toujours au loin le coyote comme si cette image le réconfortait par son graphisme pur de poster contemporain. Horizon d’un calme doux et parfait en faisant abstraction du suicide auquel il venait d’assister. Cependant la température continuait de grimper, trop pour cette fin de printemps, dégageant une odeur d’aiguilles brûlantes, de vapeurs ammoniaquées. Kaissen s’épongea le front s’apercevant que le ciel se voilait. A cet instant le décor se changea en scène de théâtre chinois, avec des ombres douloureuses et phosphorescentes, des acteurs désincarnés. Ce qu’il aperçut en levant les yeux défiait une quelconque logique, mais sans réelle surprise pour lui. Il savait déjà que toute l’affaire se situait au-delà d’une imagination normale. Quoique la sienne ne lui ait pas paru si développée jusque-là. Cependant il possédait un esprit militaire foutu de se plier au bon moment. Un sens de l’adaptation des plus rapides. En un clin d’œil son monde bascula. Bon.. bon Dieu de bon Dieu.. il marmonna. ..

     

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