• Mémoire Originelle - Terra Incognita

    Aténa ne voyait pas le temps passer. La réunion pouvait se prolonger indéfiniment sans qu'elle éprouve le moindre ennui. Elle était passionnée par ces responsabilités confiées après un vote à main levé du conseil de l'Humanité, qui incluait les trois grands comités. La réunion avait porté sur douze points déjà en ce début de calendes. Il en restait plusieurs à voir mais deux des participants après un signe venaient de disparaître coup sur coup, volatilisés du paysage virtuel. Elle comprit qu'il était temps de presser les questions. Chacun avait ses activités selon des rythmes très différents. Vivants sur les cinq continents, les uns sortaient à peine du repos, telle Aténa, tandis que d'autres n'attendaient que le moment venu pour le retrouver ou devaient poursuivre une expérience entamée, prendre leur repas. Mais un sujet comptait pour elle spécialement. Le retour de l'espèce à une homogénéité physique acceptable pour tous. Les humains ne s'étaient pas soucié de cette donnée jusque là et des centaines de générations étaient passées. Jugeant même souvent triviale une telle préoccupation. La grande population du début s'était dispersée en groupes qui profitant de leurs propres moyens, de leur soif de connaissance, et d'instruments acquis auprès des diverses civilisations rencontrées, s'étaient mis à découvrir ce Monde autant qu'ils pouvaient. On évaluait à une douzaine de communautés principales l'éclatement de la grande horde migrante. On manquait de certitudes sur les chiffres, et des sous-groupes plus ou moins importants dont on avait parfois à peine connaissance venaient encore compliquer les recherches. Le temps et une forme d'inadaptation à remplacer l'horloge ancestrale façonnée par la planète mère, avaient comme tué l'âme de l'espèce, ne laissant à celle-ci en guise de force vitale, qu'une simple accumulation d'individus déboussolés par la perte de cette grande pièce maîtresse qu'était l'esprit de race. La race humaine. Les quelques milliers d'êtres par chance déjà rassemblés dans le vaisseau provenaient bien de la même et unique souche apparue sur une planète pour le moment perdue. Mais le temps passé éparpillé dans les différents systèmes et dans des conditions trop diverses avait fait de nombre d'entre eux des êtres à l'allure parfois monstrueuse si on s'en tenait à des canons originels qui heureusement semblaient préservés par un nombre encore étonnant de sujets. Professeur Konhman, J'ai lu avec beaucoup d'intérêt vos dernières notes, et j'aimerai qu'on termine cette réunion par un exposé sur la mémoire génétique et les mutations. Un silence inaccoutumé suivit ces paroles. Contrairement à d'autres intervenants qui montraient généreusement leur visage en s'avançant hors des fauteuils, et comme le professeur Boris, il préférait rester à l'abri des regards. On ne vit pas son corps minuscule en forme de toupie. Pas plus que ses membres démesurément longs qui se terminaient par des mains et des pieds aux gigantesques doigts aplatis. Il se réfugiait dans l'œuf comme dans le fond d'une tanière. Nous avons soupçonné cette mémoire quand des humains adaptés comme nous disons, ont vu leur masse corporelle chercher à s'auto réparer au contact d'autres qui avaient.. la chance de conserver le vrai visage de notre espèce.. Aténa connaissait bien le professeur Konhman, et ne comprenait pas la difficulté qu'il avait à accepter cette différence physique. Elle ressentait la souffrance dans chacune de ses intonations, et aussi dans les silences. Ce qui pour elle était un mystère si on s'en tenait au fait que cet homme possédait un des plus brillants cerveaux de la communauté. Oui, nous pensons qu'une forme de modèle originel se cache quelque part dans les gênes et les chromosomes. Notre science permet de tout faire, ou presque. Nous savons faire fonctionner des cerveaux sans corps, et transporter ces mêmes cerveaux d'un corps à l'autre. Mais nous connaissons les dommages que cela amène. Nous pourrions aussi greffer un cerveau dans une masse animale. Avec les produits de traitements des tissus à notre disposition, je ne doute pas de la réussite. Je n'ai pas connaissance d'expériences humaines de ce genre, mais nous savons tous que nombre de folies de cette nature on pu être commises par certaines espèces. Quelle souffrance d'ailleurs si on réservait ce traitement à l'un des nôtres, et bien sûr la folie et la mort anéantiraient l'hybride en question. Je suis convaincu de la réalité de cette mémoire. Alors où est-elle. Imprimée peut-être sur un circuit neuronal. Où pourrait-elle se trouver sinon. L'information est sans doute recouverte de plusieurs couches de données destinées justement à masquer et protéger. Alors en tant que scientifique je suis persuadé que plus une information est cachée et plus elle est vitale. Si on cache un trésor c'est bien pour sa grande valeur. Oui nous avons constaté des phénomènes précis dans certains corps pour réparer, ou plutôt tenter de copier l'aspect originel quand des sujets se retrouvent au contact d'autres qui ont conservé une allure normale. Le remodelage chirurgical est une option que pour ma part je rejette. Vous savez tous pourquoi. Seulement je tiens à le rappeler. Les gênes subissent une modification en profondeur qui devient très vite héréditaire. Et le retour des groupes adaptés de notre communauté à une allure humaine acceptable doit se traduire dans la reproduction. La théorie du chaînon comme disent les rabés. Nous trouverons cette clé qui nous manque. Tout est mis en oeuvre dans ce but. J'ajoute aussi que je crois qu'une partie de ce secret se trouve dans les écritures. Mais je sais que venant de moi cette certitude ne vous surprend pas. Un nouveau silence un peu gêné suivit la rapide intervention. Mmh. Pouvez-vous nous dire où en sont les études sur la dépigmentation, et la dernière génération d'implants. De nouveau la voix monocorde surgit de son abri. la dernière génération d'implants donne de bons résultats et moins d'effets secondaires. Malheureusement les effets s'estompent encore trop rapidement si on cesse la dissolution sous-cutanée. Je suis persuadé que la réponse est dans les neurones. La mémoire originelle refuse encore une fois le changement qu'elle subit comme une terrible agression. Plutôt que s'adapter à l'absence permanente d'une lumière d'étoile satisfaisante, elle, comment dire.. punit le sujet pour ce trouble inacceptable. Je sais ce que vous pensez. Le coupa presque Aténa, craignant de voir le scientifique évoquer à nouveau les écritures...


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