• Dis moi ce que tu veux savoir, et je verrais ce que je peux faire. j'effectuais un tour complet conscient qu'il ne fallait pas démarrer l'affaire de travers. Vous n'avez jamais réellement cru que j'étais coupable. D'ailleurs personne ne l'imaginait sérieusement. Sans votre montage sur ce que soi disant j'avais dans la tête et quelques erreurs que j'avais pu faire, tout le monde aurait admis que j'étais aussi une victime. Vous avez déjà essayé d'imaginer ce que peut ressentir un père à qui on vient annoncer que son enfant a été mutilé vivant. Dites moi monsieur Morsham. Je le vis se pincer les lèvres. Je sais que tu aimais follement ta famille. Il finit par dire. Ah bon. Je m'exclamais. J'aimais ma femme et ma fille, et vous avez persuadé la tribunal que j'étais l'ordure qui venait de leur enlever la vie. Nous en reparlerons plus tard si tu veux bien. Je vais essayer d'être le plus clair possible en reprenant au début. Il y avait de nombreux indices contre toi. Puis je me rappelle bien les circonstances. Ta femme voulait te quitter. Toi même tu avais une maîtresse. N'est-ce pas. Je m'approchais de lui. Personne savait pour ma maîtresse. Sauf vous. Qui avez suggéré d'enquêter de ce côté. D'où vous est venue cette idée. Il ricana en silence. Ce qui eut le don de m'énerver. Rien de précis, je dois bien l'avouer. Un ensemble d'indices, et pourquoi le cacher, mon expérience. J'ai vu et analysé tellement de crimes, de drames en tous genres, que forcément je retrouve des pistes. L'âme humaine a beau se diversifier jusqu'au comique. Elle agit par réflexes. Deux ou trois éléments suffisent pour créer un groupe qui lui va pouvoir entrer dans une grille de lecture. Si on dispose d'un historique suffisant on pourra confronter toute nouvelle enquête à la base de données par des moyens statistiques. Ce sont ces résultats qui vont permettre de faire le tri des indices. Ce n'est jamais un paramètre isolé qui va déterminer une présomption, mais une suite logique. Un travail mathématique et statistique. Il faut considérer qu'au départ le capital humain est à peu près uniforme, d'ailleurs sur tous les continents les femmes et les hommes se ressemblent avec deux bras et deux jambes. La vie sociale se charge vite de les façonner. C'est comme ça qu'ils peuvent exprimer leurs différences. Des hommes, ou des femmes deviennent des saints, et d'autres parfaitement identiques en apparence, parfois de la même famille, se transforment en assassins. Et à quoi est-ce dû selon vous. Je demandais en regrettant au fond de moi cette discussion. Il sembla sincèrement intéressé par ce problème, au point de se laisser aller à des grimaces qui n'avaient rien à voir avec le froid ni même sa situation. Chaque homme est le fruit d'une histoire génétique compliquée, c'est un assemblage plus ou moins réussi. Si on rajoute les circonstances de la vie, et le hasard, on arrive à des millions de destins possibles. Mais vous venez de me dire qu'avec de simples similitudes vous parvenez à retrouver le coupable d'un crime. Je ne vous comprend pas là. Parce que moi vous savez ce que ça m'a coûté vos certitudes monsieur la psychiatre. C'était plus fort que moi. Je m'étais mis à élever la voix. Oui, oui, c'est sûr. Tu as pu entendre cette contradiction. Mais qui en fait n'en est pas une. Du moins si on se donne la peine d'aller voir un peu plus loin que les mots qui eux, il faut bien le reconnaître, sont toujours un peu superficiels. C'est pour ça que vous utilisez des grilles mathématiques. Oui c'est exactement ça. Encore, qu'il ne s'agit pas réellement de calculs mathématiques mais plutôt de repères chiffrés. J'ai défini de manière arbitraire une ligne à laquelle j'ai attribué le chiffre dix. Je l'appelle aussi la ligne de flottaison. Tous les chiffres au dessus de dix vont dans le sens de l'innocence du suspect, et tous ceux inférieurs à dix l'accusent. Puis après avoir introduit le maximum de données exploitables je calcule une moyenne et avec ce score final je me fais une idée que je présente au tribunal. Je levais la tête vers la triste lumière jaune en serrant les dents. Ou à la télé, qui vous accueille à bras ouverts monsieur le scientifique parce qu'il ne faudrait peut-être pas oublier que vous devez votre célébrité à des pauvres types de mon espèce.. et votre compte en banque aussi du même coup. N'est-ce pas. Il manqua de ricaner, mais il se retint. C'est du moins ce que je pensais dans la mesure où le rapport de forces ne jouait pas en sa faveur. Menotté sur le ciment glacé, encore humide du nettoyage maison auquel je l'avais soumis, et de plus attifé de frusques deux fois trop grands pour son petit gabarit. Ne ressemblait-il pas à un misérable épouvantail. Il n'avait pas de quoi pavoiser sous la lumière jaune qui avait du mal à percer la poussière en suspension. Néanmoins il n'était pas à plaindre. J'en avais bavé plus longtemps que lui et j'étais parfaitement innocent. N'empêche que ça devait le changer des plateaux de la télé cette prestation. Je ne suis sûr de rien, mais il n'est pas impossible que je trouvais là une sorte de plaisir malsain. Les pauvres, les malchanceux et les ratés même quand il ne l'avouent pas ouvertement ne sont pas mécontents de voir les autres, leurs contraires, en baver un peu de temps en temps. La misère si on est un minimum honnête, rend aussi vicieux que l'argent et le pouvoir. Mais je n'étais pas là pour ça. Je m'étais juré de rester un type droit. Je ne voulais que comprendre et continuer à me regarder dans la glace sans rougir. Je n'avais aucune revanche à prendre et m'étais toujours promis de m'en tenir à ce qui me revenait et rien de plus. Je saurais la vérité à la fin de cette nuit pénible. Justice me serait rendu, ne serait-ce que par un seul de ceux qui avaient bafoué ma vie. Il payerait pour tous les autres et je n'y pouvais rien. Comment refaire l'histoire. A ce niveau il faudrait un sur-homme et j'en étais loin. De toute façon on ne s'en prend jamais à ces derniers. On les craint et on fait tout pour éviter de les mettre en colère. Je n'avais sûrement pas le profil d'un justicier. Seulement il y avait eu erreur sur mon cas et la société ne me laissait pas d'autres moyens pour retrouver ma dignité. Alors on va tout reprendre; Je fis... A suivre..


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  • Tu as été jugé coupable après une enquête et des preuves. Je n'y suis pour rien. Mon travail consiste à argumenter et rendre l'affaire plus claire. Etudier les preuves et les confronter à la personnalité de l'accusé. Je suis désolé pour toi. Si je t'avais cru innocent. Je serais allé dans ce sens. Tu ne dois pas douter une seconde de ma sincérité. Maintenant, je te demande de cesser cet interrogatoire. Tu n'as rien à y gagner. Il te reste encore quelques belles années à vivre. Tu as tord de vouloir les gâcher. Quelques belles années. Je repris sur un ton ironique. Mais je ressortais mon flingue dans la foulée. Comme je l'avais prévu dans mon plan. Vous avez peut-être raison après tout. Autant mettre fin à.. notre rencontre. Ne fais pas ça. Il s'écria en se tournant pour la première fois vers moi. Et pourquoi je ne ferais pas ça. Je répondis. Soit je suis un tueur, et j'ai toutes les raisons de me faire plaisir. A moins qu'il y ait eu erreur sur la personne depuis le début, et c'est bien à vous de me donner les clés de ce mystère. N'est-ce pas monsieur le Psychiatre. Je ne sais riens de plus. Il fit. Je remarquais cependant que loin de blêmir comme je le prévoyais. Son visage se contentait d'être froid. Abattu certes, mais sans tristesse. L'éliminer simplement et le faire disparaître ne pouvait pas combler ce gouffre dans mon destin. Pourquoi lui et pas un autre. Cela n'avait aucun sens. Je m'attendais à de la panique de sa part. Sur laquelle j'avais prévu de surfer à ma manière. D'instinct maintenant je devinais qu'à ce rythme je pouvais y passer la nuit, et sans aboutir à quoi que ce soit. Le torturer peut-être. Mais cette idée me dégoûtait. Je ne m'étais pas donné ce mal pour en arriver là. J'aimerais que vous compreniez. Je repris. On est sur le même bateau vous et moi. J'imagine que cette idée vous déplaît, mais c'est la vérité. Moi, j'ai besoin d'entendre pas mal de secrets qui me regardent. Et de votre côté la seule chose qui vous intéresse c'est cette porte. Va-t-elle s'ouvrir sur une armée de sauveurs.. ou est-ce la porte d'une tombe. Fermée pour l'éternité. C'est long l'éternité. Qu'en pensez-vous. Croyez vous en Dieu monsieur Morsham. Il émit une sorte de ricanement. Tous les vrais Psychiatres croient en Dieu. Ils savent bien que l'homme est incapable d'avoir la moindre idée logique sur le cours du temps. Il se débat dans une cage de verre et frappe de tous les côtés pour tenter de percer son propre mystère. Il est trop petit et misérable pour mériter ce monde dans lequel il vit. Forcément il y a un vrai propriétaire au dessus de tout ça. Comment en douter. Je me plantais à nouveau sous la lumière jaune. De sa place, au ras du sol, il devait voir une sorte de fantôme. C'est très bien monsieur Morsham. Je sais maintenant que vous êtes parfaitement qualifié pour m'instruire. J'ai une telle soif de savoir. Je suis certain que l'intérêt que je vous porte vous flatte. Mais vous n'êtes pas du genre à l'avouer. Vous avez beaucoup à donner, et j'ai très peu à vous rendre. Malheureusement. Alors voici les termes de l'échange. Tant que continuerez à me dire des choses aussi passionnantes; Vous resterez en vie. Si vous devenez trop ennuyeux. Je vous tue. Vous comprenez bien que je n'ai plus de temps à perdre. C'est si court une existence. Et il me manque déjà la meilleure tranche. Celle qu'une bande de cannibales, des bouchers, ont taillé à vif et sans anesthésie, alors que j'étais sur pieds et dans la force de l'âge. Vous êtes bien placé pour le savoir monsieur Morsham. On m'avait pris les miens, saignés comme des moutons, et je brûlais dans le feu de l'enfer. Comme si ça ne suffisait pas. Pourquoi tant de souffrance sur les épaules d'un seul homme. Je n'ai plus que vous pour m'aider à y voir clair. Que ça vous plaise ou non, nos destins sont liés maintenant. Rassurez vous cependant. Vous ne connaîtrez jamais ce que j'ai vécu. Vous êtes un chanceux. Une mort rapide et prématurée vous épargnera peut-être un cancer du foie. A votre âge on peut s'attendre à tout. N'est-ce pas. Voilà je vous ai tout dit. Les cartes sont entre vos mains. Et qui sait si cette porte ne finira pas par s'ouvrir avant la fin de la partie. En ce qui me concerne je ne trouverais pas ça très grave. Dans la mesure où je serais un peu moins ignorant que je ne l'étais en arrivant ici. Je peux me contenter de peu vous savez... A suivre..


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  • Alors monsieur Morsham, vous comptez me faire la gueule longtemps. C'est pas bien du tout. C'est même très mal élevé de se conduire de la sorte. Je m'étais mis en tête de tourner lentement autour de lui, d'effectuer de grands cercles tout en parlant. L'obligeant à des contorsions pour ne pas me perdre de vue. Sur le sol j'étais en permanence suivi par mon ombre frêle et démesurée, que la minuscule lampe jaune faisait trembler au moindre courant d'air. Moi j'attendais de vous retrouver depuis vingt trois ans, vous imaginez un peu une pareille éternité, toute ces années dans la vie d'un homme. je continuais ma ronde sans fin, dans le silence glacé. Il commençait à faire froid. Heureusement j'avais pensé à bien me couvrir. j'avais enfilé le chaud blouson de cuir que je m'étais offert sur mon pécule, qui reconnaissons-le, était loin d'être négligeable. Ce qui était bien normal. J'avais bénéficié de plus de deux décennies pour le constituer. Comme j'avais aussi remis mes gants, je n'aurais pas à souffrir de la température ambiante. Il en allait tout autrement du docteur. Il n'avait rien trouvé de mieux pour m'irriter davantage qu'à se vomir dessus dans le coffre. Sans compter la puanteur, cette vue m'était insupportable. Par chance de vieux frusques étaient pendus dans le coin du lavabo. Un treillis informe et deux fois trop grand pour ce petit bonhomme. D'abord je l'avais rincé au jet. La scène avait un côté déplorable mais je n'avais pas prévu la situation. Je me suis demandé s'il pouvait comprendre à quel point je n'y étais pour rien avec ce nouveau tourment. Seulement bleu de froid il claquait des dents. Ce qui lui enlevait toute envie de philosopher. Et je savais ce que ça voulait dire avec le souvenir de nuits entières sans pouvoir dormir, parce que le chauffage du centre de détention venait de tomber en panne et que le budget manquait pour réparer. Avait-il jamais connu une pareille punition. J'en doutais personnellement. Ce type j'en étais certain, n'avait jamais rencontré le moindre souci matériel dans son existence. Je savais par expérience à quel point il était dur et habile, et ce genre d'individu est bien trop malin pour manquer de quoi que ce soit. Le monde est rempli de faibles et de naîfs que des types de son acabit dévorent tout crûs. Tant que la société voudra bien leur livrer sur un plateau toute la chair fraîche qu'ils réclament, ils ne risquent pas de mourir de faim. Il y avait fort à parier qu'à cet instant il implorait le ciel de mettre fin à l'horrible injustice auquel je le soumettais. Parvenait-il seulement à y croire. Il devait lutter pour être sûr de ne pas vivre un vulgaire cauchemar. Croyait-il qu'il allait se réveiller tout d'un coup dans son vrai monde, et que le nouveau jour serait aussi doux et agréable que tout ceux qui se sont succédés jusque là. Je décidais d'en avoir le coeur net. Alors monsieur Morsham, avez vous passé une bonne journée. Et demain, vous n'avez rien prévu j'espère. Je te reconnais. Je sais qui tu es. Il fit soudain en brisant le silence. Je stoppais ma marche et me mis à l'observer. Alors qu'il fixait toujours la lourde porte métallique de l'entrée. Vous avez tord de perdre votre temps avec cette porte. Elle ne peut rien pour vous, et personne ne la franchira. Faites moi confiance. Il s'ensuivit un silence trouble. Tu commets une erreur. Il me dit d'une voix calme. Tu viens juste d'être libéré, et tu voudrais me faire disparaître.. Je remarquais qu'il utilisait le conditionnel, pour me faire entendre que je pouvais encore changer d'avis, ou pour conjurer le sort. Mais tu es le premier que les flics vont rechercher. Que crois-tu. Dès demain matin, tu ne pourras plus faire un pas dans ce pays sans te faire coincer. Quel âge avez-vous maintenant. Je lui demandais encore. Soixante quatre, bientôt soixante cinq, c'est ça.. J'avais eu le temps de l'observer. Il lui manquait des cheveux, et il n'était pas très grand aussi. A vrai dire il ne payait pas de mine. Mais il suffisait de capter une fois son regard pour changer complètement d'avis. J'ai soixante quatre ans. Il finit par répondre. Et qu'est-ce que ça va t'apporter de le savoir. A moi, rien. Je fis. Mais c'est vous que cela devrait intéresser. Pour comprendre cette affaire qui nous regarde tous les deux. Que vous le vouliez ou non; Après tout, je ne vous ai pas demandé de vous mêler de mon destin. Imaginez seulement que la vie que vous avez connu.. ait été amputé de sa plus belle partie, pour un crime que vous n'avez pas commis. Que vous n'avez plus ni femme ni enfants, ni amis, travail, considération... vous arrivez à soixante quatre ans, et vous vous demandez quel est le sens de cette existence. Mon pauvre ami. Il fit en hochant la tête dans un mouvement plein de commisération. Mais des gars comme toi, j'en rencontre tous les jours. Le monde est rempli de ratés en tout genre, c'est même le grand carnaval des ratés. Je les entend tous pleurer et gémir comme si à chaque fois il fallait trouver un coupable. Ce n'est pas moi qui t'ais pris ta vie. Tu t'es condamné tout seul. Moi, je ne fais que mon travail d'expert. Que puis-je te dire de plus. Tu es jeune encore. A quoi ça va te servir de te venger sur moi. Je te l'ai déjà dit. Tu n'as pas la moindre chance. A nouveau le silence. Voilà ce que je te propose. On arrête là. Tu me détaches et tu me laisse repartir. Je te donne ma parole, que tout ça restera entre nous. Personne n'en saura jamais rien. Puis au bout de quelques secondes. Ecoutes. Si c'est l'argent qui t'intéresse. Ce n'est pas un problème. Je comprend que tu en ais besoin. Je te fais un virement de trois cent mille dollars d'un compte que j'ai en Floride. Qu'en dis tu. Je repris lentement ma marche en me frottant les mains d'abord à cause de l'air qui devenait frisquet, avant d'opter pour quelques exercices de gymnastiques que j'effectuais sans ralentir. Pour ce qui est des flics, et de mon avenir. Je vous remercie de vous en inquiéter de cette façon. Mais vous ne devriez pas. J'ai tout prévu. Tenez. A cet instant même je voyage en Italie, eh oui, j'avais besoin de me changer les idées après une aussi longue épreuve. Alors j'ai loué une petite maison au bord d'un lac, et de là je me ballade un peu partout en voiture. Je fais mes courses dans les magasins du coin, je prépare ma popotte. Parfois je pêche aussi. De toute façon quand je disparais, les quelques voisins qui peuvent m'apercevoir n'ont vraiment aucune raison de s'inquiéter. Je visite la pays par exemple. Ou que sais-je encore. Après tout je ne suis plus en enfant. Je n'ai pas de comptes à rendre tout de même. Tenez aujourd'hui par exemple. J'ai poussé jusqu'à Pise. Vous savez là où se trouve la fameuse tour, celle qui penche, qui penche.. mais qui ne tombe jamais. Je fis en agitant ma main dans l'air. Bien sûr si quelqu'un cherche à savoir ce que je faisais à telle ou telle heure. On m'a vu, et on m'a pas vu. Tout ça c'est tellement flou, alors comment savoir. Ne vous bilez plus pour moi. Pensez à vous plutôt. Je vois. Il fit. Viens en au fait. Pas la peine de faire tirer en longueur. Je parie que tu sais parfaitement ce que tu cherches. C'est pas vrai Mon Grand. Ooh.. quelle familiarité. Je le coupais en sifflant. Puis je me ravisais et lui donnais raison. Trouvant inutile de prolonger indéfiniment ces préliminaires. Vous voyez. Je commençais. Je suis resté sur l'idée que sans vous. Personne; je dis bien personne.. n'aurait jamais crû sérieusement que j'étais un pareil fumier. Qui se serait permis de dire que j'avais pu faire autant de mal à ceux que j'aimais le plus au monde. Je ne sais toujours pas plus aujourd'hui ce qui s'est passé. J'ai ruminé chaque minute de ce cauchemar à essayer de comprendre. Et c'est une vie complète que ça m'a pris. Mais vous allez m'aider. Un long silence s'ensuivit durant lequel seule la lourde porte d'entrée semblait l'intéresser. N'est-ce pas que vous allez m'aider monsieur Morsham. Je fis d'une voix plus forte puisqu'il s'obstinait à me faire croire qu'il devenait muet. Il voulait jouer avec mes nerfs et je commençais à me demander ce qu'il cherchait. J'envisageais déjà très sérieusement de le secouer pour l'obliger à réfléchir. Heureusement il n'était pas psychiatre pour rien et quand il me vit serrer les poings il sut qu'il était temps de retrouver la parole... A suivre..


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  • Je venais de me servir un demi verre de vin. Un bordeaux millésimé que m'avait chaleureusement recommandé le vendeur qui semblait s'y connaître. Il allait me servir à terminer comme il fallait le petit repas spécial que je m'étais concocté exprès pour l'occasion. A base de foie gras, fruits de mer baignant dans l'huile d'olive, d'un bout de fromage sacrément bon et qui m'avait coûté les yeux de la tête. Et maintenant pour finir il ne me restait qu'à allumer le havane acheté à la pièce et qui n'attendait plus qu'à sortir de sa boîte de métal. Alors était-ce bien le moment de passer à table dans de telles circonstances et au beau milieu d'un hangar qui sentait la poussière. Parlons de la table justement. Une petite table de cantine ramassé dans un coin et que j'avais soigneusement recouverte d'une nappe de papier blanc. Je l'avais placé là bien au centre pour la simple raison qu'au dessus se trouvait la seule lampe de tout l'endroit. Elle diffusait une lumière jaune qui ne portait pas très loin, laissant ainsi dans le flou les angles du dépôt. Ce qui n'empêchait pas la Jaguar verte de briller sur ma droite. Mais elle était si parfaite cette voiture que plus rien ne m'étonnait de sa part. En la fixant quelques secondes je pensais au serrement de coeur que j'allais connaître à l'instant où je la verrais partir en cendres. Il y a comme ça des choses sacrées sur terre qui mériteraient l'éternité. Pour en revenir au petit gueuleton que je venais de m'offrir tout seul. Je tiens à dire que c'était loin d'être un caprice. Il représente un des trois pôles de la sainte trilogie que se constitue tout condamné dès les premiers jours de détention. Spécialement en ce qui concerne les longues peines. C'est un devoir absolu en taule. Un des trucs obligatoires pour tenir plus de six mois sans glisser la tête dans un noeud coulant au milieu de la nuit quand tout le monde dort. Dans ce fameux tiercé magique on retrouve dans l'ordre ou dans le désordre, ce qui tient au caractère particulier de chacun, d'abord le plus souvent la pute. C'est ce qui revient régulièrement dans les conversations. Pour ma part j'étais passé par là aussi, et ma foi j'avais trouvé qu'à force d'attendre et sans être mauvais, ça restait une expérience un peu décevante. Enfin ça remontait déjà à deux ans à l'occasion de ma première sortie, et depuis j'avais largement eu le temps de changer d'avis. Par contre pour ce qui était de ce royal festin qui généralement dans l'esprit des types sert à fêter la libération, je m'étais appliqué à le repousser jusqu'à cette nuit. L'explication de ce choix tenait autant au projet particulier que j'étais en train d'accomplir, qu'à d'autres raisons plus confuses. Comme par exemple le besoin de réaliser certains actes importants tout en prenant en compte leur aspect esthétique. Pour être franc le repas en question va toujours de pair avec une bonne cuite. N'étant plus porté sur la bouteille je m'étais contenté de quelques verres à moitié pleins. De toute façon c'est dans ma nature de considérer que la qualité vaut bien mieux que la quantité. Puis il restait un dernier fantasme incontournable pour compléter cette Trinité. La vengeance. Tout taulard qui se respecte à sa bête noire à qui il se promet dix fois par jour de faire la peau dès la sortie. Les plus gros vicieux n'échappent pas à la règle. Ils auront beau et en pleine conscience avoir tué leurs propres pères et mères, ils s'estimeront toujours victimes d'une profonde injustice. Au pire ils en voudront à un juge, aux jurés, au flic qui aura mené l'enquête et qui sait encore. Il va sans dire, et heureusement pour la société, que le plus souvent cette idée fixe s'évapore dès les premières minutes dehors. Voilà à peu près comment ça se passe d'habitude. Parce que bien sûr on trouve comme toujours des exceptions pour venir infirmer la règle. J'étais une de ces exceptions, et à cinq six mètres de ma table, à même le ciment froid du sol, était assis un type qui devait amèrement regretter que je ne sois pas tout à fait comme les autres... A suivre..


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  • Schizophrénie, dédoublement de la personnalité. Il n'ignorait rien de ces problèmes. Comment aurait-il pu en être autrement. Le professeur Morsham était un des grands spécialistes du pays. A tel point que les télés se l'arrachaient chaque fois qu'un cinglé dépassait suffisamment la moyenne pour faire la une des médias. Il avait une approche très personnelle des affaires criminelles. Persuadé que l'usage des mathématiques permettait de calculer au plus juste le taux de responsabilité d'un sujet. Il n'hésitait pas à brandir des grilles de probabilités qu'il avait lui-même définies pour appuyer ses jugements. Les médias raffolaient de ses démonstrations qui avaient le mérite d'être présentées sous des formes graphiques d'apparence plutôt simples. Le public de son côté applaudissait, flatté d'être si intelligemment traité. Moi je savais que c'était un escroc et je n'avais jamais eu qu'une idée en tête depuis ma sortie de taule. Le buter.

    D'abord pour commencer, j'avais mis par écrit mon plan d'action. Je n'avais pas manqué de temps pour y réfléchir. C'était même la matière première dont j'avais le moins manqué en vingt-trois ans deux mois, et cinq jours. J'avais pas trente ans quand les maudites portes noires s'étaient refermées pour la première fois, et je venais de toucher mes cinquante deux balais à peine cinq semaines plus tôt. Entre ces deux flèches, rien. Si ce n'est que le meilleur, le gras, le fondant d'une existence, le filet comme disent les bouchers, on le trouve exactement entre les dates choisies par le destin pour m'enterrer vivant. Dans la jeunesse on apprend et on se prépare. On commet des erreurs et on tente de rectifier le tir. Quand la cinquantaine pointe son nez, et quoiqu'on puisse entendre sur le sujet de la part des publicitaires, on se contente de vivre sur sa lancée le mieux possible. On peut toujours continuer à rêver en douce si ça nous chante. C'est pas interdit et personne viendra vous en empêcher. N'empêche que la messe est dite. Ce qui est fait est fait, et pour le reste il faudra voir avec les regrets et les maux d'estomac qui vont avec. C'est la Vie, comme on dit. A chacun la sienne avec le destin qui l'accompagne. Seulement en ce qui me concerne le sort n'était pas seul en cause, le professeur Morsham, cette main droite du Diable, l'avait pris en main ce putain de destin, et l'avait re-écrit comme bon lui semblait. Maintenant c'était à mon tour de mettre noir sur blanc le sien. A la différence près que je n'avais pas prévu de faire durer vingt trois ans et des poussières la petite farce en question .

    Ca ce que tu sens là c'est un flingue. alors mon salaud tu ouvres le coffre de ta bagnole sans faire d'histoires et tu fais comme je te dis. Je sentis une sorte de raideur dans sa gorge que je tenais un peu à la manière d'un tuyau. Ne sachant trop ce que ça préparait, je prenais les devants en lui enfonçant d'un coup le canon du flingue dans les reins. Je me retrouvais alors si profond dans sa peau que pendant une seconde je crus bien l'avoir percée. Plié par la douleur et par réflexe il tenta de crier. En vain. Je venais de lui couvrir la bouche de ma main gantée et lui avait pratiquement bloqué le souffle. je l'étouffais de toute mes forces en attendant que le bouchon d'éther le mette KO pour de bon. Je m'étais juré de rester sobre mais c'était une telle émotion de le tenir là entre mes mains. De sentir sa peau, son odeur, sa Vie.. et de l'entendre gémir de douleur, que je ne pus m'empêcher de tailler un peu dans la règle que je m'étais fixée. Ca fait du bien hein, mon cochon. Je fis sans manquer de raviver la douleur en lui fouraillant le bas du dos avec le canon d'acier du colt. Mais la chance était du côté des ordures une fois de plus et pour ne pas changer. Il s'écroula dans mes bras sans prendre le temps de souffrir comme il aurait mérité. Par contre une fois encore c'est sur mon dos que retombait le fardeau de l'existence. Il avait beau être vieux et laid, et plutôt maigre, il n'en pesait pas moins des tonnes avec ses bras et jambes ridiculement écartés . Heureusement pour moi à cette heure tardive, il était près de dix heures du soir, il n'y avait pas un chat dans ce parking souterrain de la résidence de caractère, pour reprendre une expression d'agent immobilier, en plein centre de la Capitale. Mais l'apparente facilité ne m'étonnait guère. Tout se passait exactement comme je le prévoyais dans mon plan, et jusque là tout allait bien. Je pouvais sans me presser me concentrer sur les détails. Effaçant la moindre trace sur mon passage, sans oublier de balancer le portable du psy au fond d'une poubelle. C'est ce qu'on appelle du bon boulot. Je me disais plus tard au volant de la Jaguar qui filait vers les forêts à une centaine de kilomètres plus loin à l'ouest. Je ne m'aperçus pas de suite que je ralentissais. Quand je pris conscience du fait je mis ça sur le compte de la réflexion à laquelle je me livrais. Je me souviens qu'à cet instant je révisais une nouvelle fois le programme complet, résultat de vingt années d'élaboration. C'était mon calmant, mon anti-dépresseur, mon pays magique. Un questionnaire parfait, du moins c'est ainsi que je le voyais. D'abord je le laisserais reprendre ses esprits après l'avoir débarqué du coffre et flanqué sur le sol de béton qui l'attendait. Eventuellement je lui flanquerais un verre d'eau sur le nez histoire de le raviver. Il allait commencer par la ramener sur je ne sais quel ton. A ce stade je comptais laisser passer l'orage en silence, tournant lentement autour de lui. L'amenant ainsi à s'inventer tout seul les divers destins qui pourraient lui passer par la tête. Le laissant prendre conscience, doucement, que le seul véritable futur était entre mes mains. Sachant que c'est un homme particulièrement intelligent, il n'allait pas se faire trop d'illusions. Le futur en question ne pouvait être que bref. C'est là que je commencerais à intervenir directement. L'idée que je me faisais de la vengeance était plutôt simple, mais reposait sur une notion d'équilibre que je me promettais de tenir comme il se doit. Il n'était pas question d'avoir attendu des décennies entières pour me précipiter et bâcler l'affaire. Alors il me fallait rester précis et patient. Calme et calculateur. D'autant que sa mort prématurée signifiait aussi que l'étrange malaise qui me réveillait toutes les nuits depuis vingt trois ans ne serait jamais éclairci. Pourquoi en savait-il aussi long sur moi. Durant le procès, et à chaque fois qu'il la ramenait, c'était comme s'il lisait dans ma conscience. Les petites manies les plus intimes, des petits secrets que je croyais bien enfouis. Il déterrait ça comme s'il savait d'avance où fouiller. Soit je pensais depuis longtemps, il est vraiment exceptionnel, soit il planquait une carte ou deux dans sa manche. A moins qu'il ne soit devin. Mais il restait une ombre au tableau. S'il est si fort qu'il parait, comment a-t-il pu réellement imaginer que j'avais assassiné ma femme et écorché ma propre fille. Mon petit ange qui n'a plus jamais grandi dans ma mémoire. Mon amour que tous les jours à heure fixe j'accompagne au jardin d'enfant. Comme je lui ai juré de faire jusqu'au dernier jour de ma vie. Avant de nous arrêter sur le retour au stand du marchand de glace. Tu la veux à quoi ta glace.. ma chérie. Mais à la fraise papa.. tu le sais bien, c'est pareil tous les jours.. arrête de me faire marcher... Il allait tout cracher, jusqu'à la dernière poussière de vérité. Je voulais être certain qu'à l'instant où je lui en mettrais une dans la nuque, proprement parce que je ne suis pas un monstre, je n'aurais pas à regretter quoi que ce soit. Je poursuivais un objectif simple tout compte fait. Je voulais retrouver le sommeil. La nuit était particulièrement noire, tiède et sombre. J'avais quitté la ville une heure plus tôt au milieu d'un flot de voitures, et maintenant je roulais dans la campagne apparemment vidée de route forme de vie. Je traversais parfois des villages dont les derniers habitants s'étaient barricadés comme s'ils ne voulaient pas voir passer le corbillard que d'une main de maître je conduisais vers la dernière demeure du professeur Morsham. Je devinais enfin la raison qui m'avait fait adopter une si faible allure. Je sombrais dans la volupté de cette belle bagnole aux profonds fauteuils de cuir. L'habitacle sentait bon. Le moindre bruit tombait juste, s'ajustait avec la beauté et le confort de l'anglaise, et le moteur caressait l'âme comme un chant grégorien. Je mis la radio, et pourquoi n'y avais-je pensé plus tôt. La compagnie de Bach me convint parfaitement. Je fouillais dans la boite à gants, pour voir, et tombais sur un paquet de cigarettes entamé. Une boite de préservatifs aussi. J'avais réussi à cesser de fumer dix ans plus tôt et j'allais commettre une erreur. Ce que je ne pouvais ignorer mais la nuit était si particulière. Je me demandais quelle genre de vie avait pu avoir cet homme. Aimait-il les femmes, les très jeunes peut-être. Aimait-il sa famille. Je savais qu'il avait deux fils et vivait séparé de sa femme. Quelle était son carburant. A quoi marchait-il. Il était fortuné et plutôt célèbre. Se réveiller chaque matin dans ce bain de miel.. quel effet ça pouvait avoir à la longue. J'avais beau réfléchir je me heurtais aux limites de mon imagination. Aux murs de ciment d'une cage qui je le sentais, avait fini par me rétrécir le cerveau autant que mon champ de vision. Un moment je crus m'engourdir au point de perdre le contrôle. Ce qui heureusement ne dura pas. La ballade au volant de la Jaguar m'obligeait de voir avec précision ce qui séparait deux existences humaines censées au départ disposer des mêmes cartes. Je me suis demandé si cette découverte n'allait pas jouer un rôle dans notre rencontre. Avant que j'ai eu le temps d'y réfléchir un cri rauque me parvint du coffre. Un cri de bête affolée et morte de peur. Un son écoeurant. Je veux sortir.. je suis claustrophobe. Hurlait le professeur. Ta gueule crevure. Je répondis avec suffisamment d'autorité. Parce qu'il se tut et je pus continuer ma route en paix au volant de la belle Jaguar aux fauteuils de cuir... à suivre..

     

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