• Rien n'obligeait Roney Garett à tenir certaines réunions au dernier étage de la tour qui portait son nom. Mais il ne dérogeait jamais à la règle quand il s'agissait d'affaires de premier plan. Il possédait par ailleurs deux yachts bien plus confortables et de magnifiques propriétés partout dans le monde. Sans compter le boeing flambant neuf bardé d'électronique et dont le luxe des aménagements doublait carrément la valeur de l'appareil avec sa salle de conférence qu'aurait pu lui envier le président des états Unis lui-même. Seulement aucun de ces lieux n'impressionnait autant ses interlocuteurs que l'ultime étage de la Garret Tower entourée d'une terrasse conçue pour donner l'impression de marcher dans le vide à près de trois cent mètres de hauteur. Un palais en plein ciel qui le remplissait d'un sentiment de puissance et de domination sans limites, affectait jusqu'au timbre de sa voix, plus grave et légèrement vibrante. Quand il arpentait à pas lents son immense bureau aux murs de verre, la longue silhouette se découpant sur le gris transparent des parois, ses invités croyaient voir défiler un être surnaturel. Ils n'avaient pas complètement tord. Dans le sens où Roney Garett qui allait bientôt fêter ses soixante douze ans, avait jeté toutes ses forces et tout son pouvoir dans une bataille dépassant la seule nature humaine.

    Il fixa un à un les six hommes et trois femmes plus sagement assis dans de larges fauteuils de cuir noir. Quand on se quittera cette nuit, chacun d'entre vous en saura autant que tous les autres, et autant que moi. Jusqu'à présent j'étais seul à pouvoir réunir toutes ces informations. Chacun d'entre vous dans son domaine, peut prétendre avoir atteint le sommet des connaissances humaines. Mais il ne peut transformer la réalité, et doit se contenter du cheminement craintif de la science officielle, ou apprécier ses fabuleuses connaissances comme d'autres admirent leurs Van Goghs dans la solitude de leur bureau. Il conclut la phrase par un effet de manche aussitôt salué par des ricanements. A votre niveau bien sûr vous bénéficiez de la reconnaissance et des honneurs du monde entier. Deux prix Nobel parmi nous, nous pouvons être fiers. Il sourit d'une manière plutôt sarcastique, imité en cela par la plupart des participants qui comprenaient parfaitement cette ironie. Mais comme vous monsieur Zorpaihl, ou encore vous madame Shmitt, vous pouvez aussi avoir choisi l'anonymat le plus absolu, et il faut être sacrément malin pour deviner que vous comptez parmi les plus brillants physiciens de la planète. Gimoun Zorpaihl et Catharina Shmitt se contentèrent d'un léger signe de la tête pour signifier leur approbation. Garret se tourna vers l'extérieur et la ville qui brillait de toutes ses lumières de quelque côté que ce soit. Dans la nuit tombante les publicités géantes semblaient de taille à envoyer des signes aux Martiens , les invitant à venir nous rendre une petite visite par exemple, d'autant que les avenues qui courraient jusqu'à l'horizon semblaient dessinées comme des pistes d'atterrissage pour les futurs vaisseaux qui n'allaient pas manquer de mesurer la taille des paquebots terrestres. Le milliardaire sembla se figer dans la contemplation de la cité de lumière. Un silence absolu s'était installé dans le donjon de verre, offrant un puissant contraste avec l'énergie manifeste de la forêt lumineuse qui à cent quatre vingt degrés clignotait et vibrait de milliers de façons. Quand Roney se retourna tous devinèrent qu'il allait prendre un ton solennel. Mais ils ignoraient encore que sous la grandiloquence, une forme de menace allait les cueillir directement. Je crois que vous comprenez à quel point tout va changer pour nous tous à la fin de cette réunion. Le silence seul lui répondit. Son regard semblait flou, mais cette attitude était volontaire et parfaitement contrôlée. Elle lui permettait de faire passer les messages les plus menaçants en évitant de blesser les ego trop faibles. Chacun d'entre nous va livrer le résultat de son savoir. Sous une forme encore condensée certes. Mais nous avons le temps après tout. Je sais que vous ne vous êtes jamais rencontré jusqu'à présent. Sauf exception, et cela n'a pas une grande importance. Vous avez toujours veillé à garder vos secrets. Il sourit. Et comment je le sais. Parce que c'est la nature humaine qui le veut. En s'approchant de la lumière, on veut être certain de rester maître du jeu. Même les grands savants ne peuvent échapper à la règle. Seulement ici tout change. Nous sommes réunis pour mettre en commun la part de mystère que chacun par son intelligence et ses efforts a fini par arracher aux ténèbres. Nous sommes tous conscients que cela représente le travail de toute une existence. Alors le compte est vite fait. Il faudrait à chacun d'entre nous dix vies entières pour parvenir à ce résultat, et à condition aussi de bénéficier du talent suffisant dans tous les grands domaines de la science. Chimie, biologie, physique, et théologie. Je n'ai pas le talent de chacun d'entre vous., mais j'ai la vision du mystère, et je sais que vous me faites confiance sur ce point, sinon vous n'auriez jamais accepté ce pacte. J'ai recomposé le puzzle des origines, et chacun de vous représente un élément essentiel qui nous permettra bientôt je suis sûr, de lire enfin le Secret. Monsieur Giornalli dont vous ignoriez même l'existence avant ce soir, a consacré sa vie à l'étude des religions, et va vous faire part de résultats étonnants. Mais plus que tout, c'est leur juxtaposition avec vos propres recherches qui ne manquera pas de vous enthousiasmer. Il se tut à nouveau. Nous allons bientôt passer à table. J'ai fait en sorte que le repas qui nous attend soit léger, et qu'il n'encombre pas les corps; inutilement. Mais je vous rassure tout de même. Le cuisinier qui nous l'aura préparé dirige un des plus grands restaurants français. Il nous a rejoint avec toute son équipe par avion spécial, et ne repartira pas chez lui tant que nous serons à table. Quelques murmures de satisfaction soulignèrent ces derniers mots. A la fin de ce séminaire, appelons ainsi notre rencontre, chacun d'entre nous repartira avec un savoir qui le conduira à la porte du plus grand, si ce n'est le seul secret digne de mériter ce nom et aussi toute notre attention. Celui qui sera la clé de tous les secrets et tous les savoirs. Vous pourrez disposer de ma fortune, mais aussi de l'influence de mes réseaux, d'un pouvoir que j'estime supérieur à celui de bien des gouvernements. Rien ne vous sera jamais refusé pour atteindre ce but. En contrepartie chacun d'entre nous s'engage à renier tous ses anciens idéaux pour se consacrer définitivement et entièrement au projet Nucléus. Nous resterons unis jusqu'à la mort.. Ou plutôt je dirais.. L'éternité. Dans le silence il fit passer son regard de l'un à l'autre. Des hommes et des femmes habitués à recevoir l'admiration de leurs semblables et qui dans cet instant se taisaient, troublés par ce regard. Si l'un ou l'une.. d'entre vous n'est pas certain de pouvoir honorer la loyauté que tous nous attendons.. Je lui conseille de se lever et de nous quitter. Nous remercierons celui ou celle qui aura su faire preuve d'une telle franchise. Cette personne conservera ainsi toute notre amitié.. Et sa vie aussi. Dans le bleu de la nuit au travers de l'immense panoramique la silhouette de Roney Garett se montrait autrement plus inquiétante qu'ils ne l'avaient connu jusque là, et ils paraissaient découvrir une forme inconnue. Sa voix avait changé comme pour lever toute ambiguïté sur ses intentions. Garret laissa le silence faire son œuvre dans l'esprit de ses interlocuteurs. Puis au bout d'un moment, certain de l'effet de ses paroles il retrouva comme par enchantement le ton cuivré et chaleureux qui faisait sa réputation. Et si nous passions à table mes amis. Il claqua deux fois des mains et une partie du sol de la gigantesque salle vitrée disparut, laissant en lieu et place un trou béant aussi large et net qu'un plateau de théâtre duquel surgit presque aussitôt et comme par enchantement, un décor digne des plus grands restaurants de la planète. Une table magnifiquement dressée par le chef français et son équipe. Il ne manquait rien, pas le moindre ingrédient ni petite cuillère sur cette table, et les vins déjà ouverts avaient été choisis par Garett lui même qui n'aurait jamais laissé cette tâche à un autre. Mes amis je crois qu'il est temps de faire honneur à cette table. Fit-il au milieu des murmures de satisfaction. Ils se levèrent avec enthousiasme, et aucun d'eux n'avait jamais prétendu renier les lois aussi parfaites que tyranniques, humiliantes souvent, qui unissent la matière et l'esprit. Ils figuraient en cela parmi les plus intelligents et plus sages des être humains en activité dans la communauté occupant l'espace temps expulsé par le mystère quelque quatorze milliards d'années plus tôt si on mesurait le phénomène en unités humaines...

     

     


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  • Il se peut que nous soyons parfaitement seuls dans l'univers. Comme beaucoup d'autres j'ai pour des raisons que je qualifierais de technique, imaginé et accepté l'existence d'une multitude d'espèces étrangères. (Aliens..). A présent je doute. Ce qui ne signifie pas que j'abandonne l'idée de recourir à ce subterfuge si pour ces mêmes raisons techniques, la liberté créatrice apportée par cette dimension s'avérait profitable ou indispensable. Cela relève du roman et de l'artifice certes mais quand on a effleuré comme je crois l'avoir fait, l'extrêmement fine membrane séparant la réalité de la vérité, ce genre de contradiction ne gène plus du tout. Comme je l'ai déjà prétendu, le dévoilement du mystère se révèlerait bien plus étrange que le débarquement d'une bande de petits monstres verts sur le gazon de la maison Blanche. Je le dis aussi facilement que ça dans la mesure où je ne ressens aucun doute avec cette vision. C'est ma Croyance, une pensée cartésienne à cent pour cent qui ne m'est pas tombée dessus un matin au réveil. Bien sûr aussi je sais que notre position humaine dans cette réalité, notre Incarnation, ne permet pas d'envisager un destin mirifique. L'être humain, dans la mouture que nous connaissons, est voué à l'entretien laborieux de sa carcasse corporelle et à la misère mentale. Alors autant prévenir de suite, cette affirmation qui va suivre va paraître curieuse. Nous sommes le chaînon le plus noble au regard du mystère, et voici mes arguments.

    D'abord il faut s'accorder sur le sens des mots. Si on considère la noblesse comme un état de fait, forcément la vue des petits êtres chauves et tordus de l'actuelle vieillesse a de quoi faire frémir. Seulement imaginons un processus constant de progrès tel que nous l'entendons en occident. D'un coup là on se transporte à cent mille ans d'ici. Pourquoi cent mille ans, mais au Diable l'avarice, et je met un million d'années sur la table. Est-ce suffisant pour illustrer cette affaire. Parce que je peux proposer dix ou cent millions d'années aussi bien. Ce ne sont que des chiffres évidemment, mais d'une réalité en béton, et il faut bien l'entendre. Cent millions et pourquoi pas mille MILLIARDS d'années sont aussi logiques que un plus un font deux dans les cahiers d'écoliers d'aujourd'hui. Si on peut égrener soixante secondes et compter une minute, tous les autres chiffres sans exception sont valides. La seule limite est celle imposée par l'appareil cérébral actuel et sa proximité organique avec le monde animal que nous avons surpassé il y a quelques heures seulement en termes de distance parcourue. Distance égale temps depuis la grande fragmentation du grain de riz des Origines. On me rappellera que d'ici là cet univers aura largement au le temps de se re-comprimer. Et moi je rétorque que c'est sans importance. Cet épisode n'étant qu'un parmi d'autres dans l'Infinie Respiration du Mystère. Une palpitation monstrueuse à notre échelle, mais imaginez simplement ce que doivent ressentir les microbes inhalés et exhalés à chaque bouffée d'air du plus insignifiant petit homme de la Terre. Leur perception de la réalité est toute aussi terrifiante et s'ils connaissent une forme de conscience, et pourquoi leur interdire d'office pareille faculté, nous pouvons parier que l'anodine respiration porte le nom de Big Bang en langage de microbe. Donc cet être fragile et auto destructeur (Pour quelle raison?..), traversé de pulsions incontrôlables et si proche encore de la bête avec son corps organisé autour d'un long tube digestif, aurait la prétention d'affronter le mystère muni de son seul esprit empli de fables et de légendes de toutes sortes. Mystiques, scientifiques, morales, historiques.. Puis surtout au temps de vie limité et ne lui laissant comme seule alternative que de passer le flambeau à toute vapeur de générations en générations pour ne pas voir s'éteindre la flamme de l'humanité. Inutile de renforcer cette dernière avec le terme de civilisation, point de civilisation en dehors de l'humanité et vice-versa. Cet être occidental ferraille déjà au cœur du mystère, avec sa panoplie de chair et d'os frappée de maladies qui ne tiennent aucun compte de la valeur du trésor recélé dans cette boite crânienne à l'allure grotesque une fois désossée. Retrouvons la vie dans cent milliards d'années. Parce que je ne veux pas douter une seconde, elle traversera cette parcelle d'éternité. Est-il possible d'imaginer les descendants des formes vivantes que nous connaissons toujours empêtrés dans nos carcasses de viande. Soyons sérieux, qui peut prétendre pareille incongruité. La différence entre Notre Descendance et nous mêmes sera bien plus importante que celle qui nous distingue des amibes de la soupe originelle. L'Esprit alors sera électrique, quantique, composition d'ondes et de forces certainement inconnues à l'heure où j'écris ces phrases. Cette mouture de l'humanité comme je ne cesse de le répéter, est pitoyable, mais elle lutte à armes inégales et avec un courage incroyable contre une réalité dont le sadisme jamais pris en défaut fauche les générations les unes après les autres, les arrachant à la lumière sans leur offrir l'ombre d'un début d'explication. Cet homme contemporain doit tout faire, vivre, procréer, organiser, et surtout préserver un minimum de forces malgré le poids de sa propre existence, pour démonter et dévoiler, décoder et déterrer les secrets dans lesquels il baigne comme un rat pris en cage. Nous sommes déjà sur la ligne de crête, animal puant et pétant, avec l'esprit tourné vers le sublime divin. L'horrible souffrance de la bête qui connaît son sort sans aucune contrepartie et obligée de s'inventer des contes qui reconnaissons-le, sont parfois à dormir debout. Laissant aux fous et aux malins le privilège d'entendre les vérités en plein désert pour les revendre aussitôt après à des masses éperdues de gratitude. Prêtes à se prosterner et honorer ces élus comme le Mystère lui même. Si je dois éprouver de la compassion, je la réserve à cet homme mi bête, mi Être, déboulant juste après le singe dans la chaîne du vivant, à jamais hanté par son propre mystère sur le chemin des étoiles et de la vraie libération. Le besoin de Dieu est une preuve absolue d'humanité, irréfutable, et renvoit le singe à ce qu'il est, un animal proche et sympathique à la peau sombre et couverte de poils, capable de singer l'humain parfois au point de nous toucher, mais il ne connaîtra jamais la vraie souffrance, qui est le message du Mystère réservé à la seule créature qui fut capable d'émerger du chaos. Un être honteux certes et comment pourrait-il en être autrement, quand l'esprit commence enfin à s'élever, se détacher j'ajouterais, du tube digestif. Ce qui l'oblige à se contempler tel qu'il est, violent, excité, menteur, égoïste, vénal, engoncé dans les innombrables besoins de sa chair pourrissante, alors qu'il sait déjà que cet arsenal de pulsions et les butins engrangés ne le sauveront pas de son horrible destin. Riche ou pauvre il crèvera dans l‘épouvante, ce que les singes et tant mieux pour eux, ignorent. Pour en revenir à ce que je disais au début, l'existence de races étrangères sur d'autres galaxies ne me paraît plus du tout aussi probable malgré les explications s'appuyant sur les myriades de planètes et d'éventuelles lois de probabilité. Si nous possédons un destin, nous irons le chercher au sources de notre humanité et de toute façon l'étonnant capharnaüm peuplant notre planète ne peut être qu'unique. Je n'arrive pas à croire qu'un pareil bordel puisse se reproduire deux fois dans une même éternité. Plus précis encore, je commence à soupçonner que la conscience est bel et bien le résultat de cet environnement étrange et fragmenté.. Comme le grain de riz des origines.. Dynamité il y quatorze milliards d'années par le sublime Big Bang.. Ou autre chose...

     

    La question de Dieu suivra....


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