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    Sur sa feuille de route reçue la veille selon un procédé identique à tous les antérieurs, se trouvaient en plus de Venise, Milan et Zurich en Suisse sur le chemin du retour. Pas plus que les précédentes excursions il ne disposerait de réel temps libre pour flâner. Quoique le voyage allait se révéler confortable, il en avait toujours été ainsi, et autant dire luxueux. Bivouaquant sans cesse dans des hôtels de catégorie supérieure, quels que soient les pays visités. Le temps imparti entre les différentes haltes lui permettrait une conduite souple et agréable. Sans aucun stress ni contretemps. Durant les périodes de vacances par exemple, qui voient les routes encombrées et peu sûres, il pouvait être certain que l’itinéraire choisi tiendrait compte de ces aléas. L’Europe du Nord convenant bien mieux durant ces grandes transhumances. D’autant que l’air frais des pays scandinaves s’avérait parfaitement adapté tant au gros moteur de la vieille 600 qu’à un organisme d’homme parvenant à la cinquantaine. Qui de surcroît était encore vivant par miracle. ..

     

     

     

     

     

     


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    L’autoroute pour Venise lui sembla un peu moins chargée que d’habitude. Roger Wilfried aimait lItalie. Un pays dans lequel il ressentait une sorte de légèreté dans l’air et ceci à peine avait-il franchi la frontière. Il savait exactement combien de fois déjà il s’y était rendu en voyage. Tenant à jour des fiches dans lesquelles il inscrivait avec un soin maniaque ses faits et gestes durant son temps de service. Mais de toute façon il conservait scrupuleusement ce qu’il appelait ses Feuilles de route… Les enveloppes blanches immaculées qui aboutissaient dans sa boîte aux lettres selon un rythme presque immuable. Toutes les deux à trois semaines depuis dix ans. Jamais moins, jamais plus. Ainsi quand il s’agissait de l’Italie, il stoppait la longue voiture noire au bout de quelques kilomètres sur la première aire de service, ou devant un petit bar typique s’il avait pu éviter l’autoroute, pour y déguster un cappuccino. Un vrai, comme il se permettait de préciser au serveur avec un clin d’œil. Avant de repartir, en évitant quand sa volonté s’y prêtait, de trop réfléchir sur son étrange travail. Seulement la sensation d’irréalité lui donnait l’impression de flotter au dessus du sol. Un effet parmi d’autres qui l’affectaient durant tous ses périples, quasiment du début à la fin, et quelles que soient ses destinations. Puis tous ces effets se dissolvaient comme par miracle quand il abandonnait la Mercedes à l’un des nombreux parkings auxquels elle semblait être affectée. Son esprit lui jouait des tours, volant un peu dans tous les sens. Sans qu’il y prête une attention démesurée. Les faits en eux mêmes étaient assez bizarres pour justifier toutes formes de sensations...

     

     


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    Roger Wilfried se dirigea vers le quatrième étage du parking aérien. L’ascendeur grinça juste avant de voir les portes s’ouvrir, et au même instant son malaise s’accentua. Une sensation qui ne le quittait pas depuis dix ans. Mais il lui sembla alors que sa vue se brouillait. Un symptôme inconnu jusque là et qui ne fit que renforcer l’étrangeté de son histoire. Il chercha une fois de plus à se convaincre qu’il était le jouet d’une suite de malentendus. Une énigme au fond sans réelle importance. Un truc de fou qui allait s’expliquer assez facilement d’ailleurs. Cela ne pouvait qu’arriver un jour ou l’autre et autant dire qu’il y trouverait de quoi rigoler pour le restant de sa vie.. N’était-il pas après tout le vrai bénéficiaire de la situation. Etant souvent le premier à reconnaître qu’il en profitait pas mal après tout. Seulement l’angoisse le gagnait malgré sa raison et prenait des proportions inquiétantes certaines nuits. Le quatrième étage bénéficiait d’une protection accrue contre toute forme d’intrusion extérieure. De nombreux véhicules de luxe y stationnaient. Des Porches voisinaient avec des Ferrari, des BMW y côtoyaient des Maserati, et même une Bentley décapotable patientait gentiment en attendant le retour de sa riche propriétaire. Mais si on pouvait dire d’une voiture qu’elle impressionnait plus que ces belles mécaniques, c’était bien en découvrant la lourde Mercédes 600 qui occupait à elle seule deux places entières dans l’angle nord. Il s’en approcha à pas lents, respectant un genre de cérémonial. Empli d’une incrédulité complexe et qui allait parfois jusqu’à se montrer enivrante. D’abord comme d’habitude il en fit le tour complet. Procédant toujours ainsi. Puis il se pencha vers la partie arrière de l’habitacle, celle qui était séparée de la banquette avant par une épaisse vitre coulissante. Bloquée comme Toujours à 75pour cent de son Ouverture.. Au travers des vitres fumées il n’aperçut rien de plus que toutes les autres fois où il s’était livré à ce rituel. La banquette de cuir très fin était toujours désespérément vide et allait le rester aussi longtemps que durerait son service. Roger Wilfried était le digne chauffeur de maître d’une limousine aux allures de fantôme...

     


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