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    Loin d’être un esprit simple, il était un personnage singulier. Un homme sans aspérités qui traversait l’existence avec un détachement ostensible. Une raideur qui n’était rien d’autre qu’une forme de fatalisme. Les efforts nécessaires à un changement de statut social ou affectif lui ayant toujours semblés démesurés. Il s’était donc arrangé avec un Monde Intérieur.. qui venait compenser la médiocre réalité. Jugeant les évènements à l’aune de l’énergie qu’il lui faudrait dépenser pour y prendre une part active. Ne jalousant personne, il lui suffisait d’être en accord avec lui-même. Son équilibre tenait compte de ces différents paramètres et sa vie entière reposait sur ce principe. D’une certaine manière, il était prédisposé au rêve ;. Ainsi s’expliquait-il à lui même son étrange condition. ..

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    Roger Wilfried n’avait jamais pu réunir toutes les séquences de sa NDE. Il lui aurait fallu pour cela, en parler, la rendre intelligible par des paroles. Comme c’est le cas pour tous ceux qui en on fait l’expérience. Mais chez lui le processus s’avérait impossible. Une douleur l’anéantissait. La moindre tentative tournait à l'effraction; Impossible de lever le voile. Son esprit le trahissait. Fermé à double tour sur des secrets. Comme un crime sur la conscience. Ce n’étaient plus que des images éparses. Un accident. Il ne pouvait seulement trier ce qui relevait de l’Expérience et de l’idée qu’il s’était fait après coup de sa propre mort. Avait-il trahi Quelque Loi Fondamentale ?.. Ce rêve solide ne possédait pas d’avant et pas plus d’après. Une comète perdue dans sa mémoire. ..

     

     

     

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    Ses souvenirs se confondaient dans les profondeurs d’un tunnel éclatant et interminable. Un blanc nacré et scintillant marquant des parois qui reculaient dès qu’il voulait s’en approcher. Mais une voute d’ un noir d’encre contenait le blanc merveilleux. Elle était présente sans qu’il puisse l’apercevoir. Tout en admettant le paradoxe avec une facilité enfantine. Son esprit revoyait des silhouettes postées sur son passage alors qu’il croyait d’abord marcher, avant de comprendre qu’il flottait. Porté par l’air qui avait une saveur réelle, ce n’était pas une odeur ou une consistance. Plutôt « Un Sentiment ».. Qu’il comprit quand il éclatait en larmes gagné par l’émotion. C’était de « L’Amour » pur, dans lequel il baignait. Dans les premiers jours il se souvint de la musique qui l’accompagnait. Puis à force d’y réfléchir cette musique s’estompait pour devenir un simple son, une vibration qui tenait en suspens son Être. La musique était en lui, et non à l’extérieur. Seul l’amour résonnait dans les quatre directions y compris les parois. (Ces parois n’étaient pas fixes mais mouvantes)Il se sentait appelé, toujours plus loin, et plus il avançait autant le tunnel s’élargissait. Au delà il aperçut des Êtres blancs et transparents comme de la lumière pure. Parfaitement constitués. Il devina qu’ils n’existaient que pour lui. Ils cesseraient d’exister sous cette forme à peine il s’en détournerait. Les silhouettes qui lui tendaient les bras le félicitaient et lui caressaient brièvement le front et les yeux, parfois les cheveux. Elles parlaient sans que leurs paroles aient de signification. Il les comprenait quoique à un certain moment cela lui parut être un brouhaha. Il était sûr d’avoir connu un état d’affolement à partir de là. Dans cet amour infini il rencontrait une faille. Une erreur dans le protocole qu’il ne savait nommer. Il se Sentait Seul.. comme si les silhouettes rencontrées tout au long du couloir n’avaient pas de visage. Elles lui offraient toute leur amour mais aucune d’elle ne l’aimait au point de l’accueillir avec son âme. Ne lui offrait de fusion salvatrice qui lui ferait vaincre la peur terrifiante de la mort. Il tenta d’apercevoir le bout du tunnel, inutilement. Un écran de lumière étincelante lui masquait le passage. Il pensa qu’il lui restait assez de conscience pour repartir de lui même dans l’autre sens. Vers le Royaume des Vivants.. Partout autour des bras se tendaient pour lui toucher le front ou les yeux. Il aurait voulu courir, en vain dans un monde où rien n’est solide. Il se mit à pédaler dans le vide sans se soucier du ridicule. Suffoquant et haletant il avançait dans le couloir qui s’assombrissait. Tout pâlissait au fur et à mesure qu’il revenait en arrière et se rapprochait de l’accès … Celui là même par lequel il croyait être entré. Il passa rapidement du bonheur absolu à une forme de panique glauque. Certain de se voir mourir. Il ne parvenait pas à crier, rencontrant tous les symptômes de la noyade. Quand il se retrouva à flotter sur la scène de l’accident. Saisit par le froid intense et amer. L’air était glacé. Sous lui la Mercedes encastrée sous le camion prenait feu, et des hommes couraient dans tous les sens. D’autres extirpaient un corps de l’habitacle tordu et gémissant. La mort était inévitable à présent. Quand il se laissa sombrer dans ce corps que des hommes soutenaient, et qui l’accueillit. ..

     

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    Après une longue semaine de coma, il était encore resté plusieurs jours sans prononcer un mot. Cependant les fonctions physiologiques semblaient peu affectées selon les médecins. De même que l’usage de la parole lui était possible d’après le docteur Lambart. Patron du service et qui ne le lâchait quasiment plus. Rivé à ses côtés durant toute son hospitalisation dans la clinique privée de luxe. L’abreuvant de questions et multipliant les tests de toutes natures, scanners, électroencéphalogrammes, injections de nombreux sérums ;. Etc.. etc. Le choc à la tête durant l’accident avait été amorti par le toit capitonné de la limousine qu’il conduisait lui même. Une Mercedes 600 qui s’était retrouvée pulvérisée d’après ce qu’on lui avait rapporté par la suite. Mais l’intensité du choc avait produit un coma profond durant lequel il avait éprouvé la mort. Pourtant il n’avait jamais avoué l’essentiel. L’évoquant à peine à demi mots ;. Le Tunnel Blanc.. qui était son plus lointain souvenir dans la vie. Parce qu’au delà tout était gommé, il n’avait plus de passé. L'empressement du docteur Lambart n'y fit rien. Sa mémoire s'était comme inondée d'un brouillard instable. Par contraste les dix années suivantes apparraissaient claires comme l’eau de roche. Retranscrites minutieusement sur des cahiers dans le même dossier contenant les Feuilles de Route... Autant d’éléments conservés en tant que preuves. Celles d’une réalité qu’il lui fallait vérifier jour après jour. S’assurer que celle-ci au moins n’était pas qu’un triste rêve. ..

     

     

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    Il ouvrit à nouveau le tube de comprimés de sa seule main droite, et le porta à sa bouche. L’amphétamine partit se dissoudre dans son estomac déjà passablement éprouvé. La voix elle même lui avait conseillé d’y recourir. Ils les trouva dans la trousse à pharmacie enfouie sous le siège et qu’il ouvrait pour la première fois. S’étonnant à peine de son contenu. Une dizaine de tubes remplis de produits inhabituels et peut-être toxiques si on s’en référait aux avertissements en lettres rouges. Un flacon de chloroforme également. Autant dire des produits peu fréquents pour une banale trousse à pharmacie. Mais Roger Wilfried ne s’attarda pas sur cette découverte et s’en tint aux amphétamines marquées d’une croix noire. Il pensa juste que la situation ou une autre toute aussi étrange avait de longue date été prévue par ses employeurs. Dans le froid humide et avec l’aide de divers stimulants dont plusieurs cafés très corsés, il filait vers son lieu de destination. Son esprit ainsi excité avait tout le loisir dans ce silence de dérouler l’intégralité d’un film commencé dix ans plus tôt. Il ne cherchait pas à en percer les mystères. Cela s’apparentait plutôt à un bilan sur sa vie soumise à des forces inconnues. Il était curieux de connaître ce qu’il devait au hasard à proprement parler, et la part de calcul dans toutes les décisions le concernant. Depuis ce fameux réveil sur un lit d’hôpital. ..

     

     

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