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    La circulation devint particulièrement dense aux abords de la capitale. Il lui fallait rejoindre Roissy dans des embouteillages durs comme du béton. Il n’avait toujours pas dormi et les amphétamines ne lui étaient plus d’aucune utilité. Ce qui le maintenait éveillé était ce nœud de serpents, les dizaines de questions qui le hantaient. Dans les heures fiévreuses de la nuit il avait acquis la certitude que tout pourrait s’éclairer enfin. Un lien existait entre la peau humaine de la banquette arrière et sa propre vie. Un fil invisible reliait des éléments disparates autour d’un centre commun. Et il était ce centre. L’amnésique rescapé miraculeux d’un accident qui se retrouvait au volant d’une Mercedes 600 identique à celle qui aurait du le tuer. Une limousine vide de tous passagers mais pourvue d’une banquette en peau humaine. Un salaire royal et des employeurs fantômes. Des années envolées et qu’on ne lui rendra jamais. Une existence entière plutôt, farfelue et tragique. A cette évocation il manqua de crier à haute voix toutes ses questions hallucinantes. Avant de se raviser en fermant les yeux et ravalant sa rage. Ce qui faillit l’envoyer sur un mur de protection. Un peu plus loin, la tête bourdonnante de fatigue, il manquait de repartir de plus belle. Se frappant le front et à débiter toutes les idées qui lui venaient. Quand soudain il se mordit les lèvres. Il venait de penser qu’on pouvait l’écouter. La technologie moderne permettant toutes les combines. D’autant que l’épisode de la police prouvait bien « Qu’ils savaient tout ». Sinon comment expliquer ce coup de fil venu mettre un terme à l’interrogatoire. Une chose était sûre, la voiture possédait au moins un GPS relié à un observateur inflexible. Ils pouvaient le localiser en permanence. Ils savaient tout de lui, et il devait en tenir compte et se garder de manœuvres aventureuses. La Voix.. lui avait bien expliqué la marche à suivre et il parvenait à présent au terme du voyage. Une place l’attendait sur un parking annexe à l’aéroport réservé aux véhicules haut de gamme. Il devrait s’assurer de la bonne fermeture des portes. Puis prendre un taxi qui le conduirait directement à son domicile situé de l’autre côté de la capitale. A une distance de près de quarante kilomètres. A partir de quoi il pourrait se reposer et s’offrir quelques vacances selon La Voix elle même. Mais qu’en avait-il à faire de ces vacances. Il avait aussi noté que La Voix n’évoquait pas la prochaine Feuille de Route.. Roger Wilfried sentit le poids du mystère sur sa nuque. Mécaniquement sa main droite entreprit de la masser. Tandis que sa vie à nouveau basculait dans l’inconnu. Il fixa le ciel barbouillé. Jurant qu’il ne se soumettrait plus aux fantômes. Son esprit se révoltait. Le voile s’était déchiré sous les crocs du chien. ..

     

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    Ses yeux étaient d’un rouge sang, et il examinait la peau Humaine. La retrouvant chaude et suave au retour de la cafétéria. Légèrement huileuse. Sa silhouette grise se découpait en ombre incertaine; Perdue au bord d’un parking de station service. La déchirure du chien ressemblait à une plaie ouverte. L’intérieur du siège d’un jaune liquoreux et sale béait au travers de la large fente. Sa consistance évoquait une matière grasse ou gélatineuse. Il remua vigoureusement la tête en cherchant quelque indice qui lui aurait précédemment échappé. Eprouvant des difficultés à respirer. A sentir sa gorge se remplir d’un air épais et désagréable. Ses doigts effleuraient le Fauteuil Chaud.. Cette anomalie qu’il avait bien remarqué, mais qui ne l’avait pas frappé outre mesure. L’attribuant sans réfléchir à un quelconque disfonctionnement technique. Chauffage intégré défaillant;. Interférence du conduit d’échappement.. etc. L’existence de cette peau humaine changeait toute la donne. Cela tenait du sacrilège. Le non respect de règles absolues du genre humain. Comme si au delà se cachait une abomination. Le seuil du mystère dont nul ne revient si par malheur il est franchi.. Roger Wilfried poussa une longue plainte. ..

     

     

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    La Mercedes avalait ses kilomètres dans un feulement humide. De courtes rafales de vent parsemées de neige fondue claquaient sur les ailes taillées au carré. Tandis que Roger Wilfried conduisait en somnambule. Insensible aux éléments. Il lui semblait entendre des gémissements, des cris d’ angoisse dans son dos. Tous les critères de la fatigue et de la surexcitation s’étaient réunis pour faire exploser son cerveau. Mais sa volonté restait intacte et le guidait sur des rails. Il venait de réaliser à quel point il s’était fourvoyé en acceptant son sort. Les humains cultivent en eux une forme de lâcheté inhérente à l’espèce. Se glisser dans une peau qui va vieillir avec le moins de souffrance possible est un but en soi pour le plus grand nombre. Forcer les portes du mystère demande plus de courage que de sauter d’une tour en flammes. Un piège, une folie pire que tout ;. Nul ne sait exactement quelle sorte de mort va l’attendre ;.

     

     

     

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  • Sortant de là il ne se souvenait de rien. Son amnésie était totale. Mais à contrario ses aptitudes corporelles et mentales fonctionnaient normalement. En rien il n’était diminué, disposant plutôt d’une étonnante forme physique. Doté d’une belle allure d’homme approchant la quarantaine à cette époque. Il se souvenait d’avoir plus d’une fois été frappé par son élégance naturelle. Comme s’il se redécouvrait après un long oubli. Néanmoins il lui fallut réapprendre bien des choses. A commencer par les rudiments de la vie sociale. Découvrant alors qu’il exerçait la fonction de chauffeur de maître depuis près de quinze ans. Tout comme son grave accident s’était produit au volant de la limousine préférée du patron. Ce dernier avait fini dans les flammes. Ecrasé en premier lieu par le train de roues d’un camion fou. Hors Roger Wilfried l’avait suivi sur tous les continents au long de ces quinze ans. Fidèle comme un vieux chien à ce capitaine d’industrie qui avait à peu près son âge. Lui sacrifiant sa vie personnelle puisqu’il n’avait jamais pris le temps de fonder une famille par exemple. Ce qui aurait été incompatible avec cette vie particulière au service d’un patron voyageur et play-boy. Il apprit à l’occasion qu’il ne possédait rien en propre. Depuis toujours d’après ce qu’on avait pu lui raporter. Orphelin il n’avait connu que de mauvaises familles d’accueil. Puis à peine adulte il s’était engagé dans la légion Etrangère qu’il quitta à l’issue du temps réglementaire. Peu satisfait du métier des armes. Sa vie ainsi s’était résumée à accompagner un jeune industriel issu d’une grande famille anglaise et qui lui vouait une réelle estime. Selon les propos du docteur Lambart. Un thérapeute attentif qui ne l’avait jamais abandonné en mémoire « d’un vieil ami ».. trop tôt disparu. Comme il aimait s’exprimer quand le nom de monsieur Jagger(l’ami en question;.) était évoqué. Roger Wilfried se serait retrouvé seul et désemparé sans ce neurochirurgien dévoué. Une sommité dans son domaine. Un véritable artiste s’il fallait en croire les médias. Il n’ignorait d’ailleurs pas les compétences particulières de son médecin. Ses études sur le coma profond qu’il avait publié en plusieurs ouvrages, lui permettant d’accéder à une certaine notoriété. Lui-même y faisant parfois allusion. Non sans manifester un orgueil inattendu. Tout était cohérent donc, et il lui devait peut-être la vie à cet homme qui avait su réduire le grave hématome laissé sur le haut du lobe droit par l’accident. Tant pis encore si les aspects scientifiques de sa guérison ne l’intéressaient qu’à moitié. Le principal était d’avoir conservé la vie et retrouvé la santé. Très vite également il avait fallu lui reconstruire une existence matérielle. Commençant d’abord par la recherche d’un emploi puisque le sien venait d’être supprimé avec le décès de son employeur. A nouveau le docteur Lambart se chargeait d’accomplir un miracle. Je crois que j’ ai quelque chose pour vous ;. Il lui avait fait lors d’une consultation. Elles étaient hebdomadaires à l’époque. Une de mes connaissance vient justement de me parler d’un poste de chauffeur à pourvoir.. c’est à la suite d’un décès.. j’espère que vous n’y verrez pas un signe.. la mort ne frappe jamais deux fois au même endroit.. c’est comme la foudre ;. Vous le saviez ça ?… Puis il éclata de rire comme si sa bonne blague le mettait en joie.  ..

     

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    La fatigue le prenait par moments. Les premières lueurs de l’aube clignotaient au bout de la plaine. Débouchant d’une profonde vallée il s’éloignait enfin des hautes montagnes. Il se mit à penser que l’image évoquait cette mort contre laquelle il avait gagné la partie. A moins qu’elle n’ait tout simplement pas voulu de lui. Ce n’était pas son heure. Mais il ne lui restait que des images en mille morceaux de cette fameuse expérience. De tristes clichées qui n’avaient rien à voir avec les quelques récits qu’il avait pu lire sur le sujet. Tous parlaient de retrouvailles avec des défunts chéris, d’ancêtres aux sourires angéliques et emplis de bonté. De personnages omniscients et guérisseurs de toutes les souffrances. De larges portes qui s’ouvraient, de scènes célestes dans lesquelles Jésus ou Bouddha fixaient l’élu de leur infinie compassion. Pour Roger Wilfried seul subsistait le rémanent souvenir d’une course terminée dans l’affolement. Un périple au milieu de silhouettes sans visages, des inconnus aux gestes doux mais bien trop bavards pour qu’il s’abandonne à eux. Quand à la suite des évènements. C’était une somme de circonstances, de rencontres, de choix plus ou moins personnels qui s’avéraient très logiques. ..

     

     

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