• Là dessus je n'avais aucun doute. Cette affaire finirait par marcher. Après tout je ne cherchais pas à vendre de la glace aux esquimaux. Mais seulement mon âme au diable qui me tourmentait. Je voyais bien que j'avais tord, que le monde tournait autrement que ce que je voulais. Impossible pourtant de me résonner. Vraiment rien à faire. Et quand je dis impossible je pèse mes mots. Tout avait commencé cinquante ans plus tôt quand une connasse qui croyait bien faire comme tout le monde, m'avait enfanté. A mon avis c'était une mal baisée, en tout cas c'est ce que j'ai ressenti en sortant à l'air libre, entre deux flatulences et j'en passe. J'éprouve pas de pitié en racontant tout ça. Je ne suis même pas sûr d'avoir un nom précis à mettre sur les gens concernés, et après tout elle n'y était pour rien la pauvre. Elle ne faisait que son devoir comme il se doit. Pour ne pas mourir seule et idiote. Répondant à l'instinct. N'empêche que c'est moi qui en fait les frais de cette histoire. Parce que là où d'autres voient un heureux évènement. Pour ma part j'ai ressenti très vite que je n'étais rien d'autre qu'un nouveau mort vivant. Que le sursis dure cinquante, soixante, ou cent ans ne change rien au problème. Ce n'est jamais qu'une broutille dans l'éternité. D'où ma sainte colère dans un premier temps qui aura tout de même duré quelques décennies, puis je me suis lancé, enfin, dans le néant. Un grand bain d'atomes qui décape tout. Les os, la tête, le sang, les couilles. J'étais toujours un singe blanc, mais d'une race spéciale maintenant. Et enfin je pouvais foncer vers ce qui m'attendait depuis toujours, et qui datait de bien avant l'instant de ma naissance.

     


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  • Au delà des collines il n'y avait plus rien. C'était comme la fin du pays, un terrain vague avec des bouseux et leur bétail. C'était une terre qui sentait le travail, pas la nature. Ma maison à moi je l'avais planté au bord de la forêt, une grande baraque de bois et le soubassement en pierres grises. Mathilde au début refusait de me parler. Elle pensait que j'étais là en vacances ou quelque chose du genre. Elle, moi, d'autres, avions déjà pris le chemin de la montagne, et notre premier réflexe était de nous méfier de tout le monde. Par crainte d'être suivi peut-être. Pour en revenir à Mathilde. Passés les premiers moments un peu froids, on était devenu de très bons amis. Autant que moi elle souffrait de solitude certains soirs, et aussi de l'envie d'une bonne partie de jambes en l'air. Du moins là je parle pour elle, parce qu'en ce qui me concerne, j'aurais pu servir d'eunuque au point où j'en étais. Mais pour ne pas décevoir ma voisine qui m'invitait parfois en fin de semaine, je me donnais du mal. Je faisais jouer l'expérience sur la fraîcheur physique si on peut dire. Le problème aussi je crois, c'est qu'elle ne me plaisait pas vraiment, mais le voisinage à la montagne semble bien créer quelques petites obligations auxquelles il faut se plier comme un échange de bons procédés. Au fait je me présente. J'avais connu une vie assez brillante, puis est arrivé ce trou noir puis la cinquantaine pratiquement en même temps, et en moins de six mois j'ai vu partir en fumée tout ce que j'appelais ma vie et les illusions qui l'accompagnaient. J'avais bâti sur du sable, mais avec un peu de chance je serais arrivé au bout sans me rendre compte de rien, exactement comme la plupart de mes contemporains. Sans le trou noir. Cela faisait cinq années maintenant que j'avais atterri au bord de la vallée, tout près de la forêt. Je savais que j'avais vécu une autre vie, mais étais-ce si important. J'observais un instant les grands arbres noirs, et la rivière qui coulait à trois cent mètres de là avec le pont de la route qui passait dessus, ou alors la vraie montagne dont on apercevait les sommets blancs de neige jusqu'au début de l'été. C'était un monde vert et souvent nuageux que je m'étais pris à aimer comme on s'attache à une vieille copine sur le tard. Sans chercher à faire le tri dans ses vrais sentiments. Les gens du coin qui traînaient la réputation d'être rudes ne l'étaient pas tant que ça en fait. Les temps ont changé depuis que tout le monde ou presque s'est mis à courir comme des écureuils en cage autour de la planète. On se mélange plus facilement et chacun cherche son coin de paradis sans que ça choque vraiment.

     


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  • Jack me disait. Tu vois, mon pote, ce qui manque aux hommes c'est de savoir qu'il n'y a pas de limites entre le rêve et la réalité. T'as qu'à regarder dehors. Je jetais un coup d'oeil au travers de la vitre embuée. Les passants emmitouflés couraient comme des lapins sur le trottoir. Il continua. Ils sont pressés d'aller bosser ces cons. Je dis ça, mais c'est pas méchant. Moi j'aime bien les gens, même ceux que je connais pas. Seulement ils s'imaginent que tout va se régler en arrivant à l'heure au boulot. Alors qu'il faudra recommencer, et toujours recommencer jusqu'à ce qu'ils crèvent. Ils vont jamais connaître une minute de repos. C'est la folie éternelle qui les rend misérables. C'est ça qu'ils prennent pour la réalité. Alors que moi regarde, chaque fois que je bouge mon cul j'ai l'impression de voyager jusqu'à la Lune. Le monde est grand. Le monde est petit. Et qu'est-ce que ça change. Parfois j'aurais besoin de traverser tout le pays pour me rappeler que je suis en vie. Et quand je dis ça, c'est une image, parce qu'il faudrait que j'aille cent fois plus loin. Alors que là j'ai qu'à regarder par la fenêtre, et je sais que je ne suis pas mort. Je rêve quand même d'un endroit où il fait pas ce froid de canard. Qu'est-ce que t'en dis. J'en disais que ça faisait déjà un moment qu'il se contentait de fixer son verre plus vide qu'un vieux tonneau. Je levais la main et lui touchais le bras. Un pur plaisir.


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  • Combien sommes-nous. Je me pose souvent la question. Cent, mille, ou cent mille. Je me dit aussi que je pourrai bien être le seul. C'est pas possible. Je vois des ombres sur la frontière. Quand je cavale à la tombée de la nuit. Des cinglés qui courent pour pas devenir encore plus cinglés. Forcément je suis tenté d'en rattraper un ou deux et qu'ils me racontent leur affaire. Comment ça leur est venu. Le cherchaient-ils seulement. Un accident. Le hasard. Une forme d'intelligence excessive. Un talent pas avouable. L'absence de tout aussi. Le vide absolu qui rend fou. Pas une goutte d'oxygène et la glotte dure comme une peau de vache. J'en entend déjà un me raconter qu'il ne voyait plus son reflet dans le miroir. Pourquoi pas. Je suis prêt à applaudir n'importe quelle farce. Gober d'énormes conneries. Des trucs à cent balles si on me le raconte bien. De toute manière je suis sûr de ne jamais me tromper. Pareil pour les autres sans l'ombre d'un doute. Avant même de renifler l'odeur d'un. On pourrait se lier d'amitié. Mais en ais-je encore envie. Tomber amoureux d'une belle folle transparente. Une sorte de vestale comme un rêve parfait pour cinglés. Mais peut-elle vraiment exister. Le taux de probabilité me parait très faible. Mais bon. L'avènement de cet univers était autrement plus incertain. Je le sais parce que j'ai vu les choses. Je suis sorti de mon tas d'os et j'ai parcouru des milliers de galaxies. J'ai plongé dans les temps pour remonter au début. Je ne m'y suis pas attardé et en vérité ce n'était pas si intéressant qu'on pourrait croire. L'histoire, la vraie, digne qu'on s'y arrête pour en parler a commencé avec les humains. Ils étaient là pour porter la race. Il a manqué des milliers et des milliers d'années. On remarquera que je n'ai pas parlé d'éternité comme pouvait le laisser entendre la tournure de phrase. Voilà quelques unes des raisons de base qui font que je ne me tromperai pas plus qu'eux qui en savent autant que moi. De toute façon il n'y a rien à gagner dans l'histoire qui commence à peine. Et il faut être bien clair là-dessus. Je cherche ce que je sais que je cherche. C'est tout. Autant pour moi que pour ceux que je croiserai en chemin. Cent mille ans d'histoire pour trouver le courage de relever la tête. C'était plutôt long j'en conviens. Pour combien d'Electrants présents à cet instant même. Cent, peut-être mille, ou cent mille. A moins que je sois le seul.


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