• J'avais pas prévu de vieillir. Je voyais à vingt ans la vie comme une éternelle partie de plaisir. C'était une idée médiocre j'en conviens. Surtout si on prend en compte que je n'étais pas le plus heureux sur Terre, pas plus que la moyenne en tout cas et on ne voyait pas le bonheur selon les normes actuelles et jamais plus loin que le matin suivant. Mais j'aimais bien penser que le temps s'était arrêté avec les dernières guerres mondiales. Pourquoi. Je ne sais pas exactement. Je me dis qu'une belle partie de ma génération croyait fortement en une sorte de magie ou du moins quelque chose qui s'en approcherait. Certains même ont pris de sacrés risques pour vérifier ça de plus près. On commençait à l'époque à voir circuler tous ces produits plus prometteurs les uns que les autres et qui vous balançaient sur la lune au premier essai. Speeds, acides, poudres de diverses blancheurs. Des petits malins mettaient le carburant interplanétaire à la portée de tous y compris des plus modestes, ce qui était une sacrée avancée dans la démocratisation de l'art spirituel. En moins de deux n'importe quel quidam devenait aussi bon qu'un shaman de la vieille école. Un progrès si rapide que le reste du monde paraissait sonné tout d'un coup. Un progrès social sans précédent, une aventure peu commune il faut bien le reconnaître quoi qu'on en dise maintenant et malgré les inévitables ratages. Mais au moins pour ceux-ci on mourrait dans la joie si j'en crois mes souvenirs et à condition que ma mémoire ne me joue pas un tour. Alors de là à se voir dans la peau d'un vieux d'aujourd'hui, c'était forcément une idée des plus ridicules Ce qu'on ne voit pas n'existe pas. C'est un mythe ancien comme le monde et on aurait du se méfier. Seulement on était nombreux à y croire à nouveau, et j'étais certainement dans le peloton de tête des enragés. L'esprit domine la matière, la vérité sort de la bouche de mutants bons et candides, l'avenir c'est maintenant et dans mille ans, et de toute façon si jamais on se trompe on sera mort avant d'être vieux.


    votre commentaire
  • .....A mon tour je le fixais. Et qui sont ces fameux autres; Je lui demandais. Ah, mais ils étaient là eux aussi à la cérémonie, tout devant. Tu les as pas vus. Telle fut sa question alors qu'il connaissait parfaitement la réponse. Si le sujet t'intéresse vraiment je peux tout te dire. On déjeune en paix et dès que tu le sens tu me fais signe. Le cliquetis des couverts et les éclats de voix donnaient le vertige sur ce minuscule coin de Terre. On était pas en train de parler du championnat de foot. Mais d'affaires humaines extrêmement graves. J'entrais de plein pied dans une nouvelle époque. Une fois encore. Sans certitudes sur le fait de savoir si j'étais prêt ou non. Ca me va. Je lui fis. Ta vie a changé le jour où tu l'as rencontré, ou je me trompe. Exact. Fut ma laconique réponse. Je ne sais pourquoi je pouvais entendre des choeurs autour de nous. Ce n'étaient que les bruits d'une vulgaire salle de bistrot avec le crâne de Simon qui baignait dans des reflets blancs. Me faisant penser qu'il allait me sortir un profond et mystique raisonnement. En prise directe avec la sainte vérité. Alors comment t'expliques que tous les autres ressentent la même chose que toi en parlant d'elle. Je restais quelques instants pendu à son raisonnement sans bien comprendre où il voulait en arriver. Oui. Il continua. Enfin pour ceux que je connais. Martin, Gilberto. John aussi. J'ai passé des heures avec eux, à les écouter tout comme toi. Ils ont des alibis en béton soit dit en passant. Mais le dénominateur commun est simple à deviner, ils sont mordus. Très mordus. Elle les a ramené à la surface, sorti du gouffre et du paquet de merde qu'était leur vie. Vous êtes quatre à répéter exactement la même chanson. Et qui sait s'il n'y en a pas d'autres. Ca commence à faire beaucoup. Qu'est ce que t'en dis. Je n'en disais rien parce que je me contentais de garder la bouche ouverte. C'était loin d'être la sainte vérité comme j'avais imaginé un instant. Son truc n'avait aucun sens.

    Je me suis occupé de nombreuses choses dans les deux jours qui ont suivi. Un peu de rangement chez moi. Quelques travaux sur ma moto. J'ai même essayé de me remettre à mon bouquin. Sans résultats. Non pas que je manquais de concentration, loin de là; mais celle dans laquelle je baignais ne s'y prêtait pas. Inutile d'enrager pour ça je pensais. Chaque chose en son temps. Je me trouvais face à un mystère dont je ne soupçonnais pas l'existence une semaine plus tôt. Le genre d'évènement qui amène à douter de tout. Qui casse un homme en moins de deux si on ne fait pas attention. Le flic Simon m'avait fourni quelques billes. Juste à la fin du déjeuner. J'attendais seulement mon heure et le retour de quelques forces. Puis je repartirais plein d'imagination comme toujours. Mais d'abord il fallait que je me dise que rien ne pressait. Dans la mesure où le mal était fait. Je finissais de bichonner la Triumph avec un chiffon doux. Ce qui ne m'était pas arrivé souvent. Je naviguais entre deux eaux et m'adaptais. Soit je restais sans rien faire, les yeux clos à rêvasser. Ou alors je m'activais sans perdre une seconde. C'était la consistance même du temps qui avait changé. Avec laquelle je peinais encore. Je vis arriver Marlène qui n'avait plus donné signe de vie depuis deux jours. Elle aussi devait être un peu lassée de mes histoires. Je pensais dans un éclair. Elle n'était pas sortie de voiture qu'elle me faisait comprendre qu'il n'en était rien. A sa façon de me regarder, je me posais cette insoluble question. Que valent deux solitudes réunies. Tu es libre aujourd'hui. Elle balança effrontément. Je me tournais vers le ciel. Dans une attitude teintée de désespoir sans doute mais si élégante. En général quand on pose la question c'est pas pour des prunes. T'as quelque chose à proposer ou je me trompe. Elle ricana. C'est bien possible. Alors. Je fis. Je t'offre une journée lumineuse. Qu'est-ce que t'en dis. T'en as bien besoin. Je continuais à observer le bleu du ciel. Une journée et pas plus. Ca me parut une chouette proposition. Claire et sans prétention. Comme un objectif réaliste et limité dans le temps. Parfaitement crédible. T'espérais peut-être que j'allais refuser. Je fis...

     


    votre commentaire
  • T'es vraiment un beau salaud. Il me fit. Puis il démarra en laissant pendre un bras de la portière et je n'entendis plus jamais parler de lui jusqu'à ce jour. Je m'étais installé à côté d'une toute petite ville du sud, une bourgade plutôt que marquait un simple point sur la carte. Située en bas à gauche de la semelle du pays et à deux pas des montagnes que je pouvais apercevoir de ma fenêtre. J'avais coupé presque tous les ponts avec l'ancienne civilisation qui m'avait vu naître et grandir, puis me mettre au travail et fonder une famille. J'étais maintenant un Electrant, je cherchais la porte, et galopais sur la frontière. Dans mon esprit je n'étais plus tout à fait un humain. Dans la mesure où je considérais l'humanité comme une aliénation volontaire, une soumission complète à la réalité et que cette condition me paraissait indispensable pour prétendre appartenir à la civilisation en place. J'avais fort à faire en cette fin de matinée. Je devais livrer un travail pour le compte d'un petit journal agricole et comme toujours j'étais sérieusement en retard. Nigel avait justement choisi ce jour pour réapparaître et me perturber. Je décide alors de descendre jusqu'a la place du village à moins d'un kilomètre pour prendre un café en espérant que la ballade m'aiderait à réfléchir. J'enfourchais mon vélo et empruntais le chemin de terre creusé de deux profonds sillons par les voitures et surtout le tracteur de Lucien dont les champs s'étendaient à droite et à gauche et qui avait sa ferme en bas de la colline. C'était déjà l'été mais on ne pouvait pas dire qu'il faisait très chaud et des nuages clairs traversaient le ciel d'ouest en est. On les voyait s'accrocher aux montagnes qui barraient l'horizon au sud comme de hautes palissades sombres. Le vert prédomine dans cette région. Un vert calme et presque mystique par endroit, surtout le matin tôt ou certains soirs humides quand des bancs de brumes s'élèvent du sol comme des fantômes. C'est cet aspect tranquille et sans prétention qui m'avait sans doute ammené à choisir la région que je connaissais très peu par ailleurs. J'avais fui les villes depuis longtemps, du moins c'est ainsi que je le ressentais, et je comptais bien ne plus bouger de mon coin, et puis pour aller où, et que restait-il à découvrir sur ce petit bout de terre. Qui se transformait en une sorte de Luna-Park avec ses fourmilières géantes, toutes ces citées irrespirables où je ne comptais plus mettre les pieds, les plus grandes surtout. New York, Amsterdam, Tokyo, là où vivaient généralement les autres de ma race. Leur présence physique ne me manquait pas. J'avais des nouvelles quand il fallait et cela me suffisait. Dès que j'aperçus le gros tout-terrain bleu ciel garé de travers en bas de la côte je sus qu'il m'attendait. La tâche bleu métallique était trop parfaite dans le paysage, et Nigel excellait dans l'art de la mise en scène. Il avait le souci du détail, accordant la plus grande importance à ce qu'il nommait, la première image. Son ricanement me parvint quand j'étais encore à quelques mètres. Il était bien comme je pensais de l'autre côté de la voiture et se pencha sur le capot à mon approche. Oh garçon. Il me fit. Où penses-tu aller avec pareille monture. Je freinais avant de mettre pied à terre et choisissais de ne pas le fixer directement, laissant mon regard continuer sur le chemin. J'espérais bien ne plus te revoir. Il éclata de rire, les deux coudes sur le capot de l'énorme engin bleu ciel. Mais tu sais bien que c'est impossible. Je finis toujours par retrouver une vieille cloche comme toi. Je soupirais. Que veux-tu encore. Il ferma les yeux et serra les lèvres d'une façon assez comique. Ah, le vieux Nal. Il me fit. Il n'est jamais comme les autres. C'est un idéaliste n'est-ce pas. Et bien écoute. Je repris sans attendre. Si c'est tout ce que t'as à me dire, je continue mon chemin, j'ai à faire. Il fit claquer ses lèvres et se cacha la tête dans les mains. Il n'avait pas changé et adorait toujours autant faire l'acteur. Ha mon vieux pote. J'ai parcouru un sacré bout de chemin pour te revoir, je vais quand même pas me laisser abattre par un peu de mauvaise humeur. Et bien voilà, tu me laisse t'offrir un verre, et pourquoi pas un bon petit repas.. non non non, ne dis rien c'est moi qui paie. Je suis plein aux as en ce moment, et tu voudrais que j'en fasse pas profiter un vieux copain. Il mit fin à son numéro en secouant la tête et se frottant les mains. Ok. Je fis. C'est toi qui l'auras voulu. C'est en fin d'après-midi, une fois de retour chez moi, que je me mis à sérieusement réfléchir à la dernière proposition de Nigel. Reprendre du service ne me tentait pas tant que ça. Ce n'était tout de même pas pour rien que j'étais parti. La Famille prenait un mauvais tournant, qui plaisait au plus grand nombre certes, mais qui ne me convenait pas du tout. Combien d'Electrants au fait. Les vrais, pas les touristes qui ne faisaient qu'un tour et que la Famille bernait de bout en bout. Alors combien réellement je pensais. Quelques centaines peut-être, pas plus. Je me versais un verre d'eau et pris place sur la terrasse de la minuscule maison que je louais dans le pays. J'étais face aux montagnes, et noyé du calme tiède de cette fin d'après-midi, je profitais du rocking-chair comme un vieux coq en pâte. Et si la Famille comme je pensais comptait quelques centaines de sujets, combien en connaissais-je réellement. Quelques dizaines tout au plus. Je me dis après une brève mais très sérieuse estimation. Pour en revenir à Nigel, il avait tenté de me persuader à quel point je manquais. Cet argument pour être franc me laissait assez perplexe. Je ne maîtrisais pas au mieux le protocole des voyages. Pour tout dire après la prise du Skal, j'avais souvent tendance à oublier mes responsabilités s'il s'agissait d'accompagner les touristes. A un certain moment j'avais mes propres images à travailler et cette tâche rapidement m'apparaissait plus importante que la guidance comme on disait. Que je considérais en réalité aussi peu intéressante que l'accompagnement d'un groupe de vieux en Andalousie. Je n'étais pas très serviable, je dois avouer. Manquais-je de foi. Peut-être. Mais je n'avais pas demandé à devenir guide. J'étais déjà assez mûr et écrivais mes premières nouvelles de science-fiction que je mettais en ligne sur un site pour amateurs du genre quand la Famille m'avait contacté. Bien sûr j'ignorais que le site leur appartenait et que j'avais mis les doigts dans le pot de confiture. Seulement cette fois ils avaient mieux à proposer. Avait-il juré.

    Julia travaillait au supermarché de la ville. C'était un de ces magasins à bas prix dans lesquels chaque employé s'occupe de tout. Je l'avais remarqué dès ma première visite. Elle me sembla assez jeunette dans un premier temps. Puis de plus près il me fallut réviser mon jugement. Chose sans importance en vérité. Nous avions réussi à négocier un rendez-vous pour une soirée entière à passer chez moi. Une affaire assez difficile à mener dans la mesure où on se révélait aussi engourdis l'un que l'autre. Elle vivait dans ses boites de conserves comme j'étais dans mes histoires. Le monde continuait de tourner et on commençait à avoir du mal à le suivre. Pour me changer les idées je repensais à mon affaire. Estimant qu'il fallait éviter de trop se monter le bourrichon avec deux maladroits de notre espèce sur le même bateau. Je voyais ma grande machine stellaire comme une sorte de magnifique juke-box, avec des lumières de toutes les couleurs mais avec une prédominance quand même du bleu et rose. Le candidat met sa pièce dans la fente, une belle fente femelle douce et accueillante, puis choisit sur la liste. Au départ j'avais imaginé des histoires toute faites, un peu comme des reproductions assez fidèles de ce qui existe déjà. Sur la Route, pour commencer parce que tout le monde connaît. Mais c'est juste un exemple pour illustrer. La machine pourrait contenir des millions de vies ou d'histoires inventées. Considérant dès le départ que ces dernières sont tout aussi valables que les autres. Puis je me suis rendu compte que ça risquait de devenir rapidement monotone. Comme tout ce qui est produit à la chaîne. Alors je réfléchissais à quelque chose sur mesure. Après l'introduction de la pièce, on tapote sur le clavier, de gros boutons bleus lumineux qui s'enfoncent, et on écrit le scénario idéal. Du moins celui que chacun parvient à imaginer. Après quoi on retourne au bar pour terminer son verre. Il est possible que la serveuse, ou le patron, fasse un clin d'oeil entendu à ce moment précis. La suite se passe dehors, dès la sortie sur la route en plein désert avec le vent de sable qui se lève et balaie tout sur son passage....

    Paris, le 12/07/06. LJS.com

    Les champignons hallucinogènes, un truc de déjantés ? Pas vraiment à en croire une étude parue ce mois-ci dans le journal Psychopharmacology. Les auteurs, une équipe de neuropsychiatres de l'université John Hopkins de Baltimore aux Etats-Unis, prétendent que la psilocybine, la substance hallucinogène trouvée dans les fameux champignons appelés psilocybes, pourraient être utilisée pour traiter la dépression et soulager la douleur. Pour arriver à cette conclusion, Roland Griffiths et ses collaborateurs ont étudié les effets de l'ingestion de capsules de psilocybine sur 36 volontaires sains, « éduqués » et déclarant tous mener une « vie spirituelle active ». « Nous avons pensé que des personnes familières avec la spiritualité seraient plus à même d'analyser leurs sensations et surtout moins susceptibles d'être déstabilisée ou troublée par cette expérience » expliquent les auteurs. Les résultats montrent que plus de 60% des volontaires affirment que ces capsules magiques leur ont permis de vivre une expérience « complètement mystique ». « De nombreux volontaires rapportent une perception très intime de l'‘'au-delà''. » commente Roland Griffiths. Pour un tiers des participants, cette expérience est « spirituellement la plus significative de leur vie ». Certain la comparant même à celles qu'ils ont vécu lors de la naissance de leur premier enfant ou à la mort d'un proche

    De source sûre et extérieure

    votre commentaire
  • Mani avait ses chaleurs tout comme le cabot de Charlie qui s'excitait avec mon mollet quand ça lui prenait. C'était pour elle un truc naturel pas plus pas moins. Il n'y avait pas de quoi en faire un plat quand on la connaissait bien. Personnellement depuis le temps je n'y prêtais plus une grande attention. J'avais dû même me dire dans le fond de mon sub-conscient qu'après tout elle pouvait rendre service en cas d'urgence. Mais en fait je n'étais jamais allé jusqu'au bout de mon idée, un peu par principe. En réalité je n'aime pas les affaires traitées à la va-vite. Je n'aime pas les souvenirs que ça laisse. Alors je glissais sur ses yeux de biche un peu folle quand je la croisais et laissais mon esprit s'amuser tout seul. Charlie et moi on avait prévu de se voir ce jour là. Du coup je rencontrais Mani qui était sa soeur dans le salon. Enfin de la compagnie. Elle me fit en se jetant anormalement à mon cou. J'avais compris rien qu'à l'odeur de musc qui se dégageait de ses reins. Ca ne trompe pas ce genre de détail. Et bien mon cochon. T'as l'air de bien te porter toi. En pleine forme le vieux Nal. Tu t'es remis aux abdos ou quoi. Assied toi. Tu veux un thé. Tu sais que le thé vert c'est très bon pour les neurones. Non. Je plaisante pas. C'est une étude scientifique qui l'a prouvé. C'est important pour rester en vie. Nom d'un chien elle avait sorti sa jupe à volants bleus qui n'attendaient qu'un souffle d'air pour remonter au niveau de la culotte. Je vais te faire goûter celui qu'un copain vient juste de me ramener du Japon. Charlie est pas là encore. Je demandais. Elle se gratta la tête comme si elle manquait d'inspiration. Oui, et bien. Il va pas tarder. Mais je sais pas quand. Il m'a téléphoné il y a à peine cinq minutes pour me dire qu'il avait raté le train qu'il pensait prendre. Dans une heure peut-être. Pourquoi, vous aviez prévu quelque chose tous les deux. Je me frappais le front. Non. Pas vraiment. Je mentais comme un arracheur de dents. L'urgence était dans chaque seconde que nous passions ensemble sur le chemin de la vérité. La substance quantique de l'univers que j'avais contemplé pour la première fois depuis ma na naissance ne brillait dans toute sa clarté que face au miroir. Charlie était un merveilleux miroir. Plus qu'un ami. Je n'éprouvais aucun réel désir pour l'amitié. Mais un reflet d'une bien plus grande valeur. Un point spirituel. Je m'allongeais en fermant les yeux pendant que Mani s'activait dans le bric-à-brac de la cuisine. Toute remplie d'objets inutiles qui n'avaient d'autres fonctions qu'esthétique. Cette esthétique elle même n'avait de sens que pour Charlie. Tout autre que lui ne pouvait voir là qu'une nature morte décomposée sur laquelle le peintre frappé d'un infarctus venait de dégringoler. Créant le chambard. Elle revint avec le thé. On baignait dans la lumière bleue du salon et dans un silence presque parfait. C'était la cérémonie du thé et du silence. Le calme contemplatif que s'accorde parfois et quand elle peut l'âme au milieu des choses. Mani me dit. Tu vas bien toi en ce moment. Va-t-on bien dans la vie. Je pensais. Je vais bien. Je répondis. On termina le thé chacun de son côté. Côte à côte certes, mais pas ensemble. J'avais eu des visions dans les derniers temps. Et j'étais fatigué de la véritable fatigue qui ne se voit pas de l'extérieur et que forcément Mani ignorait. J'avais l'ouïe incroyablement aiguisée, et j'entendais son coeur battre plus fort. Sa glotte qui la gênait. Autant de faits passants au-dessus de sa tête de nymphomane qui aurait fait le bonheur d'une grande partie de l'humanité. Mais elle détestait les inconnus, et ne supportait que les hommes de son clan. Les animaux de sa meute qu'elle reniflait comme une louve. Je n'avais aucune idée précise sur le sujet. Mais c'était bien la première fois que je me retrouvais ainsi seul avec elle. Dans le silence et la tiédeur du printemps finissant. L'esprit assez vide par chance. Les freins lâchés. Je suis certaine que tu es bon en amour. Elle me fit. Je ricanais. Elle continua. Un type qui écrit là-dessus, sur le sexe, (rugissante) il est forcément un peu spécial. La trêve prenait fin et je devais me décider, vite. Ca ne veut rien dire. Je répondis. J'avais les yeux fermés et je sentis ses doigts de pieds qui me caressaient entre les cuisses. Toi aussi tu penses que je suis une salope. Je ricanais encore. T'as de la chance Mani. Beaucoup de chance en fait. Et pourquoi; Tout en me caressant plus fort. Parce que tu es belle. Et seules les moches sont des salopes. La vie n'est pas moins cruelle sur cette question que sur d'autres. Tu veux dire que si là je te demandais de me baiser je ne serais pas une salope parce que d'après toi je suis encore une belle femme. C'est exactement ça. Je répondis au bout d'un moment. Qu'est-ce qui explique cette loi si curieuse. Est-ce honnête. Puis moi à voix basse. Je ne sais pas. Une épreuve supplémentaire que s'inflige Dieu lui-même à travers ses créatures. Toutes les souffrances qui empêchent le grand amour universel. Elle soupira. Charlie aussi se met à parler comme ça. Je me demande si vous n'allez pas devenir dingos tout les deux. Pourtant tu fais tout pour m'envoyer au paradis; Je dis. Elle rit. Tu vas me sauter, là, tout de suite. T'as pas le choix mon pauvre vieux. Alors tu ne te soucies déjà plus de ta réputation. Je lui demandais. Tu parles. Elle fit. J'en ai rien à foutre. Mon mari il savait à quoi s'attendre quand il m'a épousé. Alors qu'il vienne pas pleurer maintenant. C'est pas pour rien qu'il me voulait. Personne ne l'a jamais fait décoller comme moi. Après un silence. Et puis pour les autres. Je les emmerde. Tout ce qui me rentre dans le cul ça va pas dans leur bouche. Hein. Je ne vois pas en quoi ça les regarde. Le silence avait eu raison du petit coin de cerveau dans lequel je ruminais ma pauvre humanité. Je rendais les armes. Je n'étais qu'un pauvre gars avec la queue à l'air et tant pis pour la beauté du geste. J'allais tringler cette connasse faite toute comme moi de chair et de sang. J'allais tout de même pas la priver d'un bon coup de bite par la faute de mon orgueil infini. Ce que Dieu m'avait donné je le rendais. C'est tout.

     

    J'ai toujours su que j'étais fou, et cette lucidité est sans doute ce qui me distingue de l'écrasante majorité de l'humanité. Je ne me sens pas honteux et diminué, soyons bien clair là-dessus, mais fou. La faiblesse d'esprit, ou du moins son aveu est plutôt je crois une preuve philosophique. L'existence avérée d'un esprit qui lutte dans les ténèbres. La faiblesse est inhérente à la vie. Du poulet de basse-cour à l'être humain il n'y a qu'une sorte de graduation incertaine que je ne me risquerais pas à décrire noir sur blanc en jargon scientifique. Laissons cette tâche aux fats, aux médiocres et à tous les imbéciles. Je me contenterais de relater quelques anecdotes existentielles, reniflant les flagrances de mon propre suc humain, son curieux et incertain mélange avec les autres, et c'en sera bien assez.

     


    votre commentaire
  •  Une lumière rouge épaisse comme une vapeur emplissait le vaisseau. Il n'y avait pas un interstice qui lui échappait. Mais cette vapeur n'avait rien d'humide. Elle était sèche même comme le sable des déserts. Ce n'était d'ailleurs pas de la lumière, mais une illusion, l'effet des moteurs qui permettaient à toutes les matières composants ou se trouvant à l'intérieur du vaisseau Terra de ne pas se désintégrer et disparaître dans le néant de l'autre monde. La dimension inexplorée qui résistait depuis le commencement à toutes les tentatives d'effraction. L'envers du décor, la machinerie régissant la première des lois. La gravité universelle.

    .....Les Êtres Humains étaient les seuls à dominer cette force, fournie par la frontière, entre les deux mondes, même s'ils ne parvenaient toujours pas à revenir de l'autre côté, toutes les tentatives s'étant soldées par la disparition définitive des explorateurs. Ces derniers mourraient sans espoir de retour, sombraient dans le même anéantissement que les premiers êtres sans défense apparus dans toutes les galaxies. Pour les Humains provenant d'un monde qu'ils appelaient Planète Mère, il était question selon les livres, d'une histoire dont ils nommaient curieusement préhistorique la première époque, quand les légendes se mêlaient trop intimement à la vérité pour porter le nom d'histoire. Mais dans le futur lointain et indéfini on ne se préoccupait plus d'histoire, et eux-mêmes ne s'étaient jamais réellement souciés de connaître le passé véritable de l'espèce. A ce titre ils ressemblaient à toutes les autres espèces conscientes de l'univers. Ils vivaient et mourraient sur la scène, dans la fuite à vitesse infini des murs du monde vivant, qu'ils nommaient le temps. Ils avaient appelé Terra, lui donnant le nom de la planète mère comme la nommaient les écritures, le vaisseau qui les transportait à la vitesse absolu vers les confins de l'univers fuyants comme des mirages. Terra avait la taille et la forme d'une petite lune. Rond et gris. Il ne possédait pas d'avant ou d'arrière, de dessus ou de dessous, mais avait un pôle sud et un pôle nord, et avait été partagé en cinq continents. Comme il était écrit sur les livres. Il était peuplé par exactement 11592 unités humaines. Le seul but de l'expédition était de récupérer l'ensemble de la communauté dispersée sur de nombreuses planètes et plusieurs galaxies, et retrouver enfin la planète mère pour assurer la survie de l'espèce et réunir assez de forces pour affronter les Rox, devant lesquels ils fuyaient désespérément. Ceux-ci étaient leurs pires ennemis, et reprochaient aux êtres humains d'avoir corrompu le monde, qui était la partie connue de l'univers, avec leur civilisation pacifique et fraternelle. Comme ils percevaient ce curieux comportement pour eux qui consistait à se mélanger avec des êtres étrangers et totalement différents sans chercher à les asservir ni même leur faire la guerre. Ce qui rendait ainsi le monde rebelle et difficilement gouvernable. Les Rox avaient aussi un autre but, s'emparer de Terra et percer le secret de la vitesse absolue, la Frontière, qui pourrait les rendre invincibles et leur permettrait de coloniser des groupes galactiques hors de portée de leurs vaisseaux propulsés par la fusion des crénons, les particules négatives du vide galactique. Ils craignaient aussi que leur espèce ne découvre jamais seule les secrets de l'autre monde. Tous les calculs théoriques prévoyaient un écroulement brutal de l'univers à la fin de son expansion. Le programme était selon les humains déjà écrit dans la mémoire de toute chose vivante, et la seule et unique clé pour éviter l'anéantissement était de percer le grand secret, au delà de la frontière. Les Rox étaient avant tout des conquérants et des guerriers fanatiques. Leur force vitale ne les poussait pas vers les vertiges scientifiques, et ils se contentaient de vaincre et ruiner les autres espèces rencontrées dans leur galaxie ou d'autre proches. Ils voulaient capturer les humains pour asservir les plus doués d'entre eux, leurs savants, qu'ils enfermeraient dans des prisons laboratoires. Bien sûr ils massacreraient le reste de la communauté qu'ils jugeaient néfaste et inutile. Enfin les Rox n'avaient aucun Dieu à honorer. Leur civilisation n'avait secrété aucune forme de religion ou rite sacré, ni croyances et mêmes légendes. Ils n'éprouvaient aucun intérêt pour leur propre histoire, ne se connaissaient pas de mythes. Les humains n'avaient jamais rien rencontré de tel dans leurs longs périples. Entre ces deux espèces une course contre la mort s'était engagée, et il n'y avait aucune trêve, accord, ou compromis possible.


    votre commentaire